lundi 28 juin 2010

Pierre Bourdieu et la question du goût

Pour Pierre Bourdieu la question du goût, des choix de consommation, s'explique à travers la façon dont les individus mentalisent les aspects socio-symboliques des biens. Dans La distinction, Pierre Bourdieu remet en cause l'approche subjectiviste du goût au profit d'une approche parfois qualifiée de déterministe qui s'appuie sur l'idée que les goûts proviennent d'un héritage socio-culturel.

Bourdieu explique que les goûts, qu'ils soient vestimentaires, alimentaires, de loisirs etc. semblent redondants les uns par rapport aux autres. Il distingue les habitudes et routines acquises et reproduites machinalement au sein d'un habitus. Cette concordance des goûts appliquée à divers univers débouchera plus tard sur les styles de vie.
Benoît Heilbrunn définit le terme d'habitus comme un "opérateur servant à décrire à la fois la systématicité des propriétés et des goûts d'un individu ou d'un groupe et la perception par l'ensemble des agents sociaux de cette systématicité comme système de signes qualifiés". Dis-moi ce que tu manges et je te dirai qui tu es...

mardi 22 juin 2010

Rôle et influence de l'appartenance sociale sur la consommation

L'objet de consommation est un medium  de communication induisant des logiques d'identité, d'inclusion et d'exclusion. L'échange de biens renvoie à un échange de signes situant les individus les uns par rapport aux autres.

Une question importante de la sociologie de la consommation est le rôle et l'influence de l'appartenance sociale de l'individu sur ses choix et pratiques de consommation.

Dans une logique marketing, il est important de déterminer les variables qui conditionnent les choix et pratiques de consommation.

Pour Karl Marx, ce sont les classes sociales issues des rapports de production entre les individus qui possèdent les moyens de production, le capital, et ceux qui possèdent le travail.

Pour Halbwachs, ce sont les rapports sociaux qui produisent les besoins, les conduites sociales et donc la structure de la consommation des différents groupes sociaux. Il fonde sa sociologie sur l'étude des besoins, reflet de la culture de chaque catégorie sociale et du degré de participation de celle-ci à la vie sociale. La consommation est donc une construction sociale et traduit la représentation collective que la société se fait d'elle-même. La société prévoit pour les individus, et à leur place, la nature et la quantité des besoins (approche Durkheimienne). La consommation s'explique non pas par le revenu mais le niveau de vie, la catégorie sociale.

Pour Thorstein Veblen, la richesse confère de l'honneur. Les individus sont entraînés en permanence dans une logique de comparaison entre eux et une spirale de surenchêre dans la consommation, l'accumulation, la nécessité de montrer ce qu'ils possèdent. Il parle de consommation ostentatoire. Ce sont les individus placés au plus haut dans la hiérarchie sociale qui dictent les choix.

Enfin, pour Georg Simmel qui s'est intéressé en particulier à la mode, l'individu confirme sa position dans l'espace des statuts sociaux à travers ses achats et la monstration de biens marchands.

Les règles qui structurent une culture applicables à la consommation

Selon Claude Lévi-Strauss, 3 types de règles permettent de structurer une culture. L'objet de consommation est un objet culturel parce que son usage est soumis à ces règles. Il s'agit des interdictions (manger avec les doigts...), des permissions et des prescriptions. On peut tout à fait les rapprocher des comportements impératifs (comme ne pas tuer, ne pas voler), recommandés (éviter l'adultère) et préférentiels (mettre une tenue habillée pour un mariage) décrits plus bas.

Typologie virtuelle de 4 profils de clients

  • Les stratèges : ils cherchent à optimiser le temps passé en magasin, vécu comme un instrument permettant de relier un point à un autre
  • Les sociaux : ils valorisent les rencontres à l'intérieur de l'espace marchand, recherchent la bonne affaire. L'espace commercial est appréhendé comme un lieu possible d'émotion, de sensation et de découverte
  • Les critiques : sensibles au rapport qualité/prix, ils considèrent les courses comme une corvée et cherchent à optimiser les rssources économiques allouées
  • Les hédonistes : pour lesquels les courses constituent une récréation, une activité ludique qui a du sens indépendamment de l'achat

Les 3 facettes de la marchandise

Au-delà des valeurs d'usage et des valeurs d'image qu'il véhicule, un objet de consommation engage 3 versants complémentaires : le sensoriel, le sémantique et le somatique desquels découlent les 3 facettes de la consommation :
  • Dimension physique : préhension de l'objet par le consommateur à travers l'utilisation de ses 5 sens
  • Dimension rhétorique : capacité des objets à signifier au-delà de leur valeur fonctionnelle et utilitaire, un imaginaire et des valeurs (associations mentales)
  • Dimension pragmatique : elle renvoie aux rituels d'achat et de consommation.
Ce sont ces dimensions physiques, idéologiques et comportementales qui expliquent le pouvoir des biens de consommation à mailler sensorialité et sociabilité.

jeudi 17 juin 2010

Variance et déviance

Si la variance est le choix dont bénéficient les individus entre les modèles proposés par une société donnée, la déviance est un comportement a-social ou anti-social qui peut cependant être toléré. Il débouche parfois sur le changement social et peut être source de modernisation. Variance et déviance concernent en général des groupes minoritaires. Les modèles qu'ils proposent peuvent parfois gagner l'adhésion de la majorité (révolution, résistance...)

Le déterminisme social, postulat incontournable pour le sociologue

C'est en sociologie, le modèle qui établit la primauté de la société sur l'individu. Derrière l'apparente spontanéité des actions humaines, se cache un ordre social que le sociologue a pour but de mettre à jour. Il fait du déterminisme un postulat de départ reconnaissant l'existence d'une standardisation des comportements individuels, entente explicite entre les membres d'une même communauté.

Certaines sociétés imposent plus fortement des modèles que d'autres. Au sein d'une même société cohabitent différents types de modèles : impératifs (comme ne pas tuer, ne pas voler), recommandés (éviter l'adultère) et préférentiels (mettre une tenue habillée pour un mariage).

L'orientation normative de l'action comporte une part de décision. La liberté est le choix que les individus peuvent opérer entre divers modèles d'action à l'intérieur des limites données.

lundi 14 juin 2010

Les sanctions attachées aux modèles

La contrainte sociale s'impose à travers un certain nombre de sanctions :
  • sanctions physiques : violence, emprisonnement, peine de mort, gifle, coup de pied sous la table...
  • sanctions économiques : amendes, boycottage, mise à pied, retrait d'une bourse à un étudiant...
  • sanctions surnaturelles : d'ordre religieux ou magique
  • sanctions sociales : expulsion du groupe, rejet, commérage, moquerie
Ces 4 types de sanctions peuvent être transformés de façon positive pour encourager, récompenser, gratifier.

L'orientation normative de l'action sociale

"L'action humaine est sociable parce qu'elle s'inscrit dans une structure d'action qui lui est fournie par des normes ou règles collectives ou communes dont elle doit s'inspirer". Ces règles et normes sont appelées "patterns of culture" ou "cultural patterns" par les anthropologues et les sociologues. Il s'agit du "patron" - modèle, dessin - dont on s'inspire. C'est ce que Durkheim appelle - de façon négative - la contrainte sociale.
L'action sociale est donc la manière de penser, sentir, agir dont l'orientation est structurée suivants des modèles collectifs.

mardi 8 juin 2010

Traditions "compréhensive" et "positive"

Max Weber considère qu'à la différence des sciences de la nature, les sciences de l'homme se fondent sur la compréhension. La sociologie est pour lui "une science qui cherche une compréhension interprétative de l'action sociale pour arriver par là, à une explication causale de son sens et de ses effets" conformément à sa notion de subjectivité.

Durkheim lui, se situe dans la lignée du positivisme français, inspirée par Auguste Comte qui privilégie une analyse objective, rigoureuse, méthodologique de la société, à l'image de la méthode scientifique. Durkheim considère les phénomènes comme des objets d'observation. Il tient à distinguer la sociologie de la psychologie en distinguant la conscience individuelle - réalité psychique - de la conscience collective - réalité sociale.

Les deux approches se complètent. On reconnaît aujourd'hui généralement que la sociologie est la fois compréhension et explication, subjective et objective.

Rôles respectifs de la psychologie et de la sociologie

Les conditionnements de l'orientation de l'action sont à la fois psychiques (une personne agit avec sa personnalité - caractères héréditaires, tempérament, appareil neuro-physiologique, expériences vécues...) et sociaux (manières d'agir, de penser, de sentir collectives).

Ce sont ces conditionnements sociaux de la conduite que le sociologue étudie, cherche à comprendre, préciser, analyser. Ses travaux s'inscrivent en complémentarité de ceux du psychologue qui s'intéresse aux profondeurs de la personnalité.

Définition de l'action sociale selon Emile Durkheim

Durkheim contribue à faire de la sociologie une science autonome, différente de la psychologie et de la philosophie en ramenant le fait social à un objet.

 Pour lui, les caractères de l'action sociale ne se situent pas, comme pour Weber, dans les états subjectifs des personnes mais dans les réalités extérieures aux personnes qui les contraignent. Il entend par réalité extérieure, la conscience collective composée de manières d'agir, de penser et de sentir - héritage commun d'une société donnée. A cette conscience collective qu'il définit par "type psychique" d'une société particulière, il oppose la conscience individuelle, univers privé de chaque personne : caractère, tempérament, hérédité, expériences peersonnelles. Cette conscience personnelle est plus ou moins développées, forte. La conscience collective ne s'impose pas aux individus de la même manière d'une société à l'autre. Mais quelque soit sa force, elle est toujours contraignante, coercitive (elle impose le respect de la loi, de la règle).

Mais Durkheim rétablit la continuité entre l'individu et la société, le psychique et le social en affirmant que l'individu, par l'éducation qu'il a reçue, ne ressent pas la contrainte que lui impose la société au sein de laquelle il vit. Il n'en est pas conscient ou plutôt il l'a assimilée, elle est devenue sa propre conscience morale.
La définition de Durkheim élargit la notion de l'action sociale :
  • il peut y avoir action sociale sans interaction entre individus
  • l'action sociale peut être présente dans l'activité individuelle - pensée, sentiment...- dès lors qu'elle correspond aux manières d'agir, de penser, de sentir collectives.

mardi 1 juin 2010

Définition de l'action sociale selon Max Weber

Max Weber est considéré comme le fondateur de la sociologie compréhensive, c'est-à-dire d'une approche sociologique qui fait du sens subjectif des conduites des acteurs le fondement de l'action sociale.

Pour Max Weber, trois critères déterminent le caractère social de l'action :
  • les personnes doivent tenir compte de l'existence et du comportement des autres. Par exemple, deux enfants jouant dans la même pièce, trop jeunes pour être sociabilisés, s'ignorent. Il n'y a pas d'action sociale.
  • le deuxième critère est celui de la signification : l'action du sujet doit avoir sa valeur de signe ou de symbol pour les autres et l'action des autres doit également avoir sa valeur de signe ou de symbol pour le sujet. La conduite des uns et des autres est insérée dans un sytème de communication.
  • enfin, il faut que les sujets fassent la preuve, par leur comportement, qu'ils ont compris les attentes des autres et qu'ils acceptent ou non d'y répondre.
La définition de la sociologie que Max Weber propose dans les premières pages d'Economie et société est la suivante : « Nous appelons sociologie une science qui se propose de comprendre par interprétation l'action sociale et par là d'expliquer causalement son déroulement et ses effets. »

C'est dans cette notion d'interprétation  que repose le caractère "subjectif" attribué à la définition de l'action sociale de Max Weber. La subjectivité intervient également dans le 3e critère de l'action sociale à travers la compréhension de la conduite des autres. C'est en observant ce 3e critère que l'on peut juger des 2 précédents.