lundi 30 août 2010

Prédominance de la consommation dans la vie sociale

Passant d'une logique de besoin à une logique de désir et de plaisir, nos sociétés ont élargi le champs de la consommation à une large palette d'activités (école, musée, cinéma...). Elles ne se contentent plus de répondre aux besoins naturels des individus mais les conduisent à mobiliser des ressources conséquentes (temps, argent, énergie) pour s'adonner à des activités de consommation qui couvrent un tiers à un demi de leur temps libre. Moteur de l'économie, indicateur de bien-être, la consommation est devenue un devoir après avoir été un droit. Consommation et possession constituent désormais des leviers incontournables pour accéder au bonheur, donner du sens à son existence.

 Une vision critique de la société de consommation américaine.


Quels facteurs sont à l'origine de cette évolution ? c'est à la fois dans le développement des villes et du commerce au moyen âge, de l'industrialisation et de la révolution agricole du XVIIIe siècle qu'il faut chercher. La diversification de l'alimentation entraîne une diminution de sa part dans le budget des ménages qui peuvent alors consacrer leurs revenus à l'achat d'autres biens et services. La nouveauté devient marque de statut social (cf Norbert Elias dans La société de cour), le développement au début du XIXe siècle des boutiquiers, des vitrines, des systèmes de rabais puis le passage au grand commerce avec une offre diversifiée, des marchandises abondantes, placées en rayons avec des prix fixes contribuent largement au phénomène de développement de la consommation.

Mais c'est surtout au XXe siècle et en particulier après la seconde guerre mondiale que la consommation a connu un formidable essor. L’ère de ce que l’on appelle la « consommation de masse » s’ouvre aux Etats-Unis dans les années 20 et en Europe à partir des années 50 avec l’aide du Plan Marshall. Dominique Desjeux, dans son ouvrage « La consommation » (Que sais-je, coll.puf) identifie 4 éléments clés de ce développement, stratégiques pour comprendre la société de consommation :
  • Le développement de l’automobile favorisant la mobilité vers les lieux de travail, de loisirs et d’achat et donc l’acquisition de biens de consommation.
  • L'avènement des loisirs dans les années 60 lié à la baisse du temps de travail (diminution du nombre d’heures travaillées, mise en place des week-ends de 2 jours, augmentation du nombre de semaines de vacances).
  • L’expansion du logement urbain (avec la reconstruction d’après-guerre) qui a entraîné le développement des pratiques de rénovation et de décoration, la mise en place de l’électricité, du gaz, de l’eau courante, l’acquisition de matériel électroménager et à la suite des objets liés aux activités de loisirs : télévision, magnétoscope, ordinateur…
  • Et enfin, l’arrivée des grandes surfaces avec le premier magasin Leclerc en 1949, la première enseigne Leclerc en 1956 et son premier hypermarché à Landernau en Bretagne en 1964.
Les medias, avec le développement de la presse féminine, de la télévision etc., ont largement participé à l’essor de la société de consommation, soutenue par une hausse régulière du pouvoir d'achat (intervention politique). Avec la sérialisation et la standardisation des objets qui suscitent un besoin de différenciation par l'image, le marketing est entré dans le jeu pour donner au produit une valeur d'image au-delà de la valeur fonctionnelle et favoriser l’émergence d’une culture de l'innovation ,contribuant elle-même à donner un élan supplémentaire au plaisir de consommer. Enfin, la théâtralisation du point de vente finit de transformer l'acte d'achat en expérience sensorielle et émotionnelle.

dimanche 29 août 2010

Instinct et culture

  • Le comportement instinctif est essentiellement congénital et non appris alors que la culture est non héréditaire et apprise.
  • L’instinct est endogène (qui se forme à l’intérieur sans intervention extérieure) alors que la culture est de nature sociale, c’est un bien collectif.
  • L’instinct se mêle de réflexes, tropismes (réaction à un stimulus), actes intelligents alors que la culture s’appuie sur des instincts pour se construire. La culture complète et affine l’instinct.
  • Culture et instincts se rapprochent dans le sens où l’activité culturelle est toujours mêlée de réflexes, d’habitudes, d’impulsions et d’activités instinctives.
  • La culture remplit pour l’homme la même fonction d’adaptation à son environnement que l’instinct chez l’animal.
  • La culture est propre à l’homme parce que seul celui-ci a pu développer la fonction symbolique et accumuler un réservoir de symboles de divers niveaux d‘abstraction . La culture permet à l’homme de bénéficier des acquis ne pouvant s’inscrire dans l’organisme biologique.

Culture et idéologie

Karl Marx a donné une signification très large au terme d’idéologie, l’assimilant ainsi à la culture, et une connotation péjorative dans le sens où il considère qu’elle est forcément aliénante « la puissance matérielle dominante » (classe sociale maîtrisant les moyens de production) possédant en même temps la « puissance spirituelle ». Il considère l’idéologie comme une « fausse conscience de la réalité » sociale, économique, politique.

En dehors de la tradition marxiste, les sociologues ont tenté d’en donner une définition plus restreinte considérant que l’idéologie est un élément de la culture constitué essentiellement d’un système d’idées et de jugements organisé pour décrire, expliquer, interpréter ou justifier la situation d’un groupe ou d'une collectivité et qui s’inspire de valeurs, proposant une orientation précise à son action historique.

 Une place centrale dans la culture
  • L’idéologie est une doctrine car elle revêt une forme explicite et verbalisée, elle fait référence aux valeurs.
  • Elle pousse l’individu ou la collectivité à l’action, ou du moins la dirige en fournissant buts et moyens. Elle a une fonction conative (utilisée par l'émetteur pour que le récepteur agisse sur lui-même et s'influence).
  • Elle cherche à opérer une jonction inspiratrice de modèles culturels, de sanctions et des symboles.
  • Elle permet aux sociologues, par l’observation, d’appréhender les sources du changement social.
  • Elle autorise des choix mais à l’intérieur des contraintes qu’elle impose.

Les fonctions de la culture

Fonction sociale
La fonction essentielle de la culture est de réunir une pluralité de personnes. D’autres facteurs contribuent de manière objective au même résultat comme les liens du sang, la proximité géographique, la cohabitation au sein d’un territoire, la division du travail. Mais ces facteurs sont transposés et réinterprétés dans et par la culture qui leur donne une signification ( ex : le mariage, la prohibition de l’inceste…).

Fonction psychique
La culture remplit une fonction de « moulage » des personnalités individuelles qui fournit des modèles de pensée, de connaissance, des idées, des canaux privilégiés d’expression, des moyens de satisfaire des besoins physiologiques etc.
Cependant, ce moule n’est pas rigide, il permet des adaptations individuelles et offre des options entre des valeurs dominantes, variantes ou déviantes. La société peut autoriser une part d’innovation, toutes ne laissant pas la même latitude.

lundi 16 août 2010

Définition et caractéristiques de la culture

Inspirée de Tylor et de Durkheim, la culture peut être définie comme un "ensemble lié de manières de penser, sentir et d'agir plus ou moins formalisées qui, étant apprises et partagées par une pluralité de personnes, servent, d'une manière à la fois objective et symbolique, à constituer ces personnes en une collectivité particulière et distincte".

Ses caractéristiques principales :
 
  • la culture s'adresse à toute activité humaine, elle est action vécue par les personnes (penser, sentir, agir)
  • elle est formalisée (plus ou moins) à travers des codes de lois, formules rituelles, cérémonies, connaissances scientifiques, technologie, théologie, mais aussi à des degrés divers, les arts, le droit coutumier, les règles de politesse...
  • elle est partagée par une pluralité de personnes : manières de penser, sentir, agir, considérées comme idéales ou normales
  • elle s'acquiert résultant de différents modes et mécanismes d'apprentissage
  • elle contribue à constituer une collectivité de manière à la fois objective et symbolique
  • elle forme un "ensemble lié", un système dont les éléments constitutifs sont unis dans une cohérence, ressentie subjectivement par les membres d'une société
Les sociologues et ethnologues discernent les groupements, collectivités, sociétés ainsi que leurs frontières à travers les symboles de participation que fournit la conduite des personnes. La culture prend ainsi le caractère d'un vaste ensemble symbolique.

Historique de la notion de culture

La culture sous l'angle de "progrès intellectuel"

Ce sont les études d'histoire naturelle qui donnent naissance au concept de culture en Allemagne à la fin du XVIIIe siècle. Leur objet porte en particulier sur l'analyse comparée de l'évolution des moeurs, institutions, idées, arts et sciences des sociétés et civilisations. Le terme de culture est employé en France depuis le moyen-âge mais s'applique au culte religieux, tandis que le champs cultivé est alors appelé "couture" ou "coture". Le verbe "culturer" ou "couturer" désigne l'action de cultiver la terre. Il donne naissance au XVIIe siècle au nom de culture : travail de la terre. Par extension ou analogie, on applique également ce terme à la science et à l'esprit, puis au XVIIIe siècle, la culture en vient à signifier la formation de l'esprit dans le sens de progrès intellectuel.

Une nouvelle connotation collective

Johann Christoph Adelung, grammairien philologiste allemand, reprend le terme de culture dans un sens plus étendu qu'il définit comme "progrès intellectuel et social de l'homme en général, des collectivités, de l'humanité" lui donnant pour la première fois une connotation collective.

On note que la notion de culture est née de l'histoire, de l'ethnologie, et non de la philosophie.

Avec Edward Tylor, considéré aujourd'hui comme le fondateur de l'anthropologie britannique, célèbre pour sa définition ethnologique de la culture, "la culture ou la civilisation, entendue dans son sens ethnologique étendu, est cet ensemble complexe qui comprend les connaissances, les croyances, l'art, le droit, la morale, les coutumes, et toutes les autres aptitudes et habitudes qu'acquière l'homme en tant que membre d'une société". Sa définition reste assez descriptive mais apporte une nouveauté notable : elle ne présente plus la culture à travers la notion de progrès.

Naissance de l'anthropologie culturelle ou sociale

Avec la naissance de l'anthropologie culturelle aux Etats-unis, l'anthropologie en vient à se définir comme la science de la culture. Elle est désignée sous le terme d'anthropologie sociale en Grande-Bretagne qui la distingue également de l'anthropologie physique. Elle s'autonomise progressivement de la tutelle de l’anthropologie physique au tournant des XIXe et XXe siècles, aux États-Unis, en Angleterre ou encore en France, sous le terme d’ethnologie.

Culture et civilisation

Les termes de culure et de civilisation sont appréhendés de façon différente par les sociologues, l'un et l'autre pouvant être reliés soit à la matière (moyens collectifs dont disposent les hommes pour exercer un contrôle sur la nature), soit à l'esprit (moyens collectifs dont disposent les hommes pour exercer un contrôle sur eux-même). Distinction qui sera par la suite considérée comme factice, donnant ainsi la préférence au terme culture.

Certains sociologues contemporains font cependant la distinction entre les termes culture et civilisation mais dans un sens différent : le terme civilisation désigne un ensemble de cultures particulières (ex : civilisation occidentale) tandis que le terme de culture est employé dans le cadre d'une société donnée et identifiable.

Le terme de civilisation peut en outre être employé pour les sociétés présentant un stade plus avancé de développement, marqué par le progrès technique, scientifique, l'urbanisation, la complexité de l'organisation sociale etc. Cette définition évolutionniste inclut un jugement de valeur. C'est pourquoi on emploie plutôt aujourd'hui les termes d'industrialisation, de développement et de modernisation plutôt que celui de civilisation.

Le symbolisme, composante essentielle de l'action sociale

Les modèles sont des expressions symboliques des valeurs :
  • La conformité extérieure des modèles symbolise l'adhésion intérieure des sujets à un certain ordre de valeurs
  • L'adhésion aux valeurs symbolise l'appartenance à une collectivité ou une société
En conséquence, l'univers des valeurs apparaît comme un vaste univers symbolique dans lequel se meuvent les acteurs sociaux, groupes, collectivités, civilisations.

Le symbole

Il requiert 3 éléments :
  • le signifiant : objet qui tient la place d'un autre
  • le signifié : la chose dont le signifiant tient lieu
  • la signification : le rapport entre le signifiant et le signifié qui doit être perçu et interprété.
Les symboles sociaux n'ont qu'un rapport conventionnel avec leur signifié. D'où la nécessité de l'utilisation d'un code.

Les fonctions du symbolisme

Le symbolisme a une double fonction de communication et de participation dans le sens où le symbolisme favorise le sentiment d'appartenance au groupe.

Le symbolisme et sa fonction de participation

On distingue 4 types de symboles :


Les symboles de solidarité : ils contribuent à la représentation et au sentiment d'appartenance au groupe ( ex : drapeau, armoireries...). Au niveau microsociologique, de nombreuses fêtes et cérémonies familiales sont empreintes d'un symbolisme de paticipation ( ex : mariages, enterrements...)
Les symboles d'organisation hiérarchique : ils sont observables à travers les distinctions de rangs et de pouvoir
Les symboles du passé : la mémoire collective simplifie, résume, élague, déforme, mythifie le passé en utilisant le symbolisme
Les symboles magiques et religieux : ils ont pour rôle de relier l'homme à un ordre surnaturel ou supranaturel. Ils permettent de distinguer les fidèles des non-religieux, le clergé des fidèles, les lieux saints des lieux profanes... à travers des costumes, des rits, des sacrements...
La magie est essentiellement symbolique ( ex : rituel des statuettes pour faire mourir un ennemi). Dans les sociétés archaïques, elle accompagne la vie sociale : travail, guerre, entreprises importantes...

Conclusion

Les symboles servent à relier entre eux les acteurs sociaux, à rattacher les modèles aux valeurs dont ils sont les expressions plus concrètes et observables ; ils recréent sans cesse la participation et l'identification des personnes et des groupes aux collectivités et renouent les solidarités nécessaires à la vie sociale.

Fonctions sociales des valeurs

Elles sont de 3 ordres :
  • les valeurs donnent une certaine cohérence à l'ensemble des règles et modèles
  • elles contribuent à l'unité psychique des personnes. Selon le psychologue Gordon Allport "les valeurs contribuent à la cohésion et à l'intégration de la perception de soi et du monde"
  • elles sont essentielles au "consensus social" selon l'expression d'Auguste Comte (appelé "solidarité sociale" par Emile Durkeim) et qu'on nomme aujourd'hui l'intégration sociale (condition de participation à la collectivité).

Notons cependant que les valeurs ne sont pas partagées par tous avec la même intensité et que le partage de mêmes valeurs peut aussi entraîner des conflits (ex : conflits d'intérêts).