mardi 1 février 2011

La gestion et les rites, Claude Riveline

Dans son article "La gestion et les rites", Claude Riveline démontre comment les actes ritualisés, notamment au sein des entreprises, sont plus efficaces que les idées. Partant de l'hypothèse d'Emile Durkheim dans Les formes élémentaires de la vie religieuse qui stipule qu'un rite nécessite une tribu pour l'observer et un mythe pour lui donner sens, Claude Riveline observe les rites dans le monde des affaires. Il établit une correspondance entre rites/mythes/tribus et méthodes/raison/équipes, transposant les mécanismes des "peuplades primitives et exotiques" au monde moderne. C'est le regard de l'ethnologue introduit dans notre quotidien. Ce qui est étonnant, remarque Claude Riveline, est que le vocabulaire moderne peut évoluer en contre-sens par rapport à celui des "peuplades exotiques" lorsque le triangle ne fonctionne plus : ainsi la tribu devient-elle un clan lorsque la raison s'écroule (elle devient alors un mythe), on taxe de rites des méthodes qui n'auraient plus de sens. Claude Riveline cherche à comprendre comment ce triangle rites/mythes/tribus peut recouvrir dans nos sociétés modernes des "connotations suspectes", à la lumière d'autres domaines de la vie sociale où celui-ci est présent : armée, sports, musique, école, politique...Son analyse nous montre que les rites sont partout et qu'aucun acte n'est dénué de valeur symbolique. Riveline attribue le basculement du triangle mythes/rites/tribus vers quelque chose qu'il qualifie d'inconvenant à la déception que nos sociétés ont subie suite aux espoirs nés du siècle des Lumières : repousser les dogmes au profit de la raison, habiller ceux qui sont nus, nourrir ceux qui ont faim. En lieu et place de quoi, notre société a placé le mythe dans la fabrication des objets (surpassant l'activité humaine), le rite dans l'usage des chiffres, la tribu dans l'humanité entière.

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