jeudi 30 décembre 2010

Les règles de la méthode sociologique - expliquer les faits sociaux : la cause, ses effets - Emile Durkheim

Durkheim reproche aux sociologues de son époque de ne chercher qu'à montrer les effets des faits sociaux qu'ils étudient, de ne chercher qu'à expliquer le rôle qu'ils jouent sans en rechercher les causes. Il donne plusieurs exemples pour démontrer la nécessité de comprendre l'origine des faits appréhendés. Nous retiendrons celui-là : "pour rendre à un gouvernement son autorité [...] il ne suffit pas d'en sentir le besoin ; il faut s'adresser aux seules sources d'où dérive toute autorité, c'est-à-dire constituer des traditions, un esprit commun, etc." Pour lui, les causes et les effets doivent être étudiés séparément, le sociologue doit déterminer s'il y a un lien entre le fait considéré et les besoins généraux de la société - et quelle est la nature de ce lien - sans se préoccuper de savoir si ce lien a été créé de façon intentionnelle. Durkheim reconnait un caractère de réciprocité aux causes et aux effets. Si les effets découlent naturellement des causes, ils permettent également de les entretenir. Les peines sont nées du sentiment d'offense des hommes face aux crimes mais à contrario, elles entretiennent le degré d'intensité de l'offense en étant appliquées. Enfin Durkheim précise que les faits sociaux ont généralement une utilité, sinon ils disparaissent. Le sociologue, au-delà de le la détermination des causes, doit définir la part qui revient au fait social dans l'établissement de l'harmonie générale d'une société.

mercredi 29 décembre 2010

Les règles de la méthode sociologique - distinguer le normal du pathologique - Emile Durkheim

Aux yeux du sociologue, le bien et le mal n'existent pas. Son rôle n'est pas de juger les faits sociaux, sa réflexion ne doit pas être bercée d'idéologie mais éclairer la pratique. Le sociologue distingue les faits normaux des faits morbides ou pathologiques de la façon suivante : le type normal est le type moyen qui réunit les caractères les plus fréquents tandis que le type pathologique est celui qui s'écarte de l'étalon défini.
"Il faut renoncer à cette habitude [...] de juger une institution, une pratique, une maxime morale [...] pour tous les types sociaux indistinctement". La normalité ne peut être jugée que par rapport à une "espèce sociale" déterminée, à une phase précise de son développement.
"Pour que la sociologie soit vraiment une science de choses, il faut que la généralité des phénomènes soit prise comme critère de normalité".

La classification des espèces sociales

Durkheim indique que pour les historiens, les sociétés constituent des individualités hétérogènes incomparables entre elles (l'histoire est une successsion de périodes ; les sociétés n'ont rien à apprendre les unes des autres) tandis que pour les philosophes, les évolutions sociales sont liées à l'évolution des attributs généraux de la nature humaine (la constitution de l'homme domine tout le développement historique ; le genre humain est appréhendé dans sa globalité). La sociologie apporte une réponse nouvelle à travers ce qu'il nomme les "espèces sociales" qui réunit unité et diversité. La classification des espèces n'exige pas un inventaire complet de tous les caractères de tous les individus qui la composent (ce serait impossible). Durkheim préconise de ne retenir que quelques caractères présentant une pertinence, et de n'étudier que quelques sociétés et non la totalité. "Une observation bien faite, de même que, souvent une expérience bien conduite suffit à l'établissement d'une loi".
Il propose de nommer "morphologie sociale" la partie de la sociologie qui a pour tâche de constituer et classer les types sociaux.

Parenthèse : je découvre qu'il y a une rue Emile Durheim à Paris dans le 13e sur le blog de ch@


Les règles de la méthode sociologique - la démarche du sociologue - Emile Durkheim

"Traiter les faits sociaux comme des choses" et poser les fondements d'une nouvelle science de la société qui, sur le modèle des sciences expérimentales, permette de mieux la décrire et l'expliquer : tel est le projet d'Emile Durkheim lorsqu'il publie les règles de la méthode sociologique en 1895. Dans sa préface, Laurent Mucchielli, sociologue et historien, présente quel a été l'apport de Durkheim à la réflexion sociologique tout en la resituant dans son contexte historique et dans celui de l'état des recherches à cette époque. 3 grands principes à retenir :
  • les faits sociaux doivent être observés sans jugement personnel pré-établi (reconnaître et mettre à distance les prénotions) - Le sociologue doit, lorsqu'il détermine l'objet de ses recherches s'affranchir de ses préjugés et éviter d'utiliser des concepts qui n'ont pas été établis scientifiquement. S'il les utilise, il doit cependant être conscient de leur moindre valeur
  • chaque affirmation doit être accompagnée de preuves (défendre l'impérieuse nécessité d'administrer la preuve)
  • le social doit être expliqué par le social (la sociologie doit éviter la réduction du social à l'individuel, se distingant ainsi de la psychologie)
La démarche sociologique
La première étape du travail du sociologue doit être de définir l'objet de sa recherche le plus précisément possible et de façon objective à travers les propiétés que cet objet recouvre et non la façon dont il est appréhendé (idée de l'esprit). Cette première définition n'exprimera pas l'essence de la réalité mais préparera le terrain pour y parvenir ultérieurement. Elle permettra de prendre contact avec les choses, fournira le premier point d'appui nécessaire aux explications.
Les mots utilisés par le sociologue doivent être expliqués de façon préalable pour être sûr que chacun les comprendra dans le même sens. En sociologie de nombreux termes (famille, propriété, crime etc.) sont utilisés régulièrement par tout un chacun. D'où la nécessité de les préciser rigoureusement, de créer des "concepts nouveaux, appropriés aux besoins de la science et exprimés à l'aide d'une terminologie spéciale". Durkheim précise cependant que toute science doit partir de la "sensation"d'où découlent les idées générales vraies ou fausses, scientifiques ou pas mais qui constituent un point de départ en vue que la science soit ancrée dans la réalité. Pour éviter au mieux la subjectivité, le sociologue doit "poser en principe que les faits sociaux sont d'autant plus susceptibles d'être objectivement représentés qu'ils sont plus complètement dégagés des faits individuels qui les manifestent".

lundi 6 décembre 2010

Les méthodes de construction de l'échantillon

1. La méthode du modèle réduit ou méthode des quotas, dite aussi de "choix raisonné" :
elle consiste à analyser les caractéristiques de la population étudiée à l'aide des recensements et statistiques objectives ou officielles, repérer celles qui sont en lien avec le sujet étudié, transposer les pourcentages en chiffre total de l'échantillon.

2. La méthode du calcul probaliste ou méthode de tirage au sort de l'échantillon :
pour que le calcul des probabilités, seul capable de permettre la mesure de l'erreur, puisse être appliqué, il faut que l'échantillon soit tiré au sort dans l'Univers de l'enquête. Pour tirer au sort un échantillon, il faut la liste nominative des unités de la population, un procédé de tirage de sort, le pourcentage décidé de l'échantillon par rapport à la population de l'enquête.

3. Autres méthodes :

La méthode aréolaire : tirage au sort qui ne se fait plus entre individus mais sur une aire (ville, arrondissement, circonscription...)
Les méthodes d'échantillonnage à plusieurs degrés ou phases : on tire au sort par la méthode aréolaire par exemple, puis à l'intérieur des unités désignées, on tire au sort les individus.
Les méthodes d'échantillonnage stratifié : la population est divisée en strates homogènes (CSP, âge, nombre d'habitants...), on effectue des tirages au sort au sein de ces strates.
L'échantillon-maître, appelé aussi a priori : c'est un échantillon large, bien caractérisé selon toutes catégories, préparé à l'avance que l'on utilise selon les besoins pour diverses enquêtes (on taillera son échantillon dans l'échantillon-maître).
Le panel : échantillon fixe servant de référence pour toutes les enquêtes ou pour une série d'enquêtes.

Pour approfondir le sujet, lire :
Initiation à la théorie de l’échantillonnage
Jean VAILLANT

Octobre 2005

dimanche 5 décembre 2010

Le questionnaire dans l'enquête psycho-sociale

Les objectifs

L'enquête psycho-sociales a pour objectif de receuillir des données et de les croiser entre elles. Ces données peuvent être de plusieurs ordres :

Données dites personnelles - par exemple, degré d'instruction, appartenance religieuse, nationalité, participation à tels ou tels groupes, données économiques (revenus, dettes, crédits...), données professionnelles ou familiales etc. tout ceci concernant les individus dans la collectivité ou le mileu social sur lequel on effectue l'enquête.
Les données sur l'environnement - circonstances de vie, types de voisinage, relations familiales, habitat...
Les données de comportements - comment se comportent les membres de la population étudiée ?
Les niveaux d'information, les opinions, les attentes - vaste champs où triomphent les méthodes de sondage.
Les attitudes et motivations - ce qui pousse à l'action, au choix, à la décision, autant que le "pourquoi" et le "comment" des opinions.

Les méthodes
3 grandes catégories : l'observation, les méthodes d'interview, les questionnaires

Les questionnaires d'auto-administration - le sujet est seul devant le questionnaire pour y répondre.
Les questionnaires par enquêteur - l'enquêteur pose les questions et note les réponses.

Les biais

Le biais est le risque de déformation - donc d'erreur - encouru par l'enquête.

Risques : au niveau du choix de "l'univers" (population visée par l'enquête) ; de la construction de l'échantillon ; de la construction du questionnaire (questions mal formulées, réponses induites) ; de l'administration de l'enquête (attitudes de l'enquêteur) ; de la réalisation (l'échantillon interrogé ne correspond pas à celui qui a été défini) ; de la codification des réponses obtenues ; du dépouillement et de l'analyse des résultats.

Les étapes
1. Définition de l'objet d'étude
2. Préparation - Pré-enquête
3. Déterminaison des objectifs et hypothèses
4. Déterminaison de la populaiton "univers de l'enquête"
5. Détermination de l'échantillonnage
6. Choix des techniques à utiliser et rédaction du projet de questionnaire
7. Pré-test ou mise à l'épreuve du projet
8. Rédaction définitive du questionnaire
9. Choix du mode d'administration et présentation définitive du questionnaire
10. Dépouillement et codage des résultats
11. Analyse
12. Rédaction et publication

dimanche 12 septembre 2010

« La consommation », Dominique Desjeux, professeur d’anthropologie sociale à l’Université Paris V, publié chez puf collection Que sais-je.

Après avoir retracé en quelques pages l’histoire du développement de la consommation, Dominique Desjeux présente les différentes approches sociologiques, anthropologiques, mais aussi dans une moindre mesure, économiques et marketing dont cette thématique a fait l’objet d’études et de théories, depuis les thèses de Thorstein Veblen et de Maurice Halbwachs, jusqu'à l'ethnomarketing aujourd'hui. Parmi eux, de nombreux contemporains sont évoqués comme Olivier Badot, Frank Cochoy, Bernard Cova, Alison Clark ou Isabelle Garabuau-Moussaoui.
La présentation des travaux s’organise en 4 parties qui correspondent à 4 échelles d’observation : une échelle macro-sociale (celle des classes et des modes de vie), une échelle méso-sociale (celle des institutions, des acteurs politiques et des groupes de pression de la consommation), une échelle microsociale (lien entre espace domestique, lieu d’acquisition et usages des biens et des services) et une échelle micro-individuelle (celle des arbitrages conscient ou inconscient).

Echelle macro-sociale

A cette échelle apparaissent les 4 clivages de base qui structurent la plupart des sociétés contemporaines : hiérarchie sociale (les enjeux de la consommation sont ici liés aux mécanismes de distinction sociale, aux phénomènes d’inclusion et d’exclusion), les sexes (division sexuelle des tâches, rôles entre hommes et femmes), les âges (jeunes, anciens) et les cultures (clivages ethnico-communautaires, religieux ou idéologiques). Dominique Desjeux aborde ici les sources de la différenciation sociale, la consommation comme lien social, le rôle et les méthodes des instituts de sondage, la construction des cartes de styles de vie, les grandes enquêtes statistiques…

Echelle méso-sociale

La consommation est vue ici comme un système d’action. Elle est analysée depuis la production des biens et services dans les entreprises jusqu’à son rejet dans l’environnement ou son recyclage, en passant par la distribution dans les lieux d’acquisition et son usage dans les lieux domestiques du logement. Dominique Desjeux aborde ici le lien entre consommateurs, acteurs du marché et politiques. Une vision de laquelle émergent de nombreuses problématiques liées aux relations marché/politique (régulation. Ex : intervention de l’Etat dans le domaine de la consommation par une pression sur la concurrence), à la consommation responsable, aux questions éthiques, environnementales et sociales, à l’engagement de l’entreprise responsable.

C’est aussi à l’échelle méso-sociale que sont analysés les rapports entre producteurs, distributeurs, Etat (pression pour rendre le marché concurrentiel, lutte contre le refus de vente, lutte contre les « marges arrière » versées par les producteurs aux distributeurs sans qu’elles soient répercutées vers le consommateurs, lutte contre les prix d’appel et enfin les associations de consommateurs et les consommateurs qui constituent l’enjeu stratégique central du système d’action.

Dominique Desjeux analyse ensuite la consommation dans sa dimension symbolique à travers la notion de ré-enchantement de la consommation via le marketing, la publicité, les approches multi-sensorielles appliquées au packaging et au point de vente.

Echelle microsociale

C’est l’espace de la famille, du couple ou du ménage, en France et à l’international. Appliquant la méthode des itinéraires dont il est l’auteur, Dominique Desjeux cherche à « reconstituer le processus d’acquisition d’un bien ou d’un service, marchand ou non marchand, en reconstituant la dynamique sociale dans laquelle il est inséré plutôt que de partir des arbitrages personnels de l’échelle micro-individuelle ou des effets d’appartenance sociale ou de style de vie de l’échelle macro-sociale. » Il propose ici une grille d’observation qui suit les étapes de la décision d’acquisition des biens et services : décision dans le logement, déplacement vers le lieu d’acquisition, moment de l’acquisition, rangement de l’acquisition, préparation de l’usage, usage et abandon.

Echelle micro-individuelle

Cette dernière partie est consacrée à la fidélité et l’infidélité aux biens et aux marques en fonction des étapes du cycle de vie, exemple à l’appui : l’usage du maquillage. C’est ici une méthode d’étude qui est présentée et qui peut, bien entendu être appliquée à une multitudes d’objets et de services.

samedi 11 septembre 2010

Adaptation, conformité et non-conformité

Apprentissage et intériorisation d’autrui, influence des agents de socialisation, milieux d’appartenance et de référence produisent une adaptation de la personne à son environnement social. Mais cette conception « sur-socialisée » a été jugée statique par certains sociologues comme Dennis Wrong ou Henry Chombart de Lauwe pour lesquels l’adhésion à des normes et à des valeurs implique une certaine marge de décision de la part des acteurs (rappelons-nous le système d’options de Talcott Pearson, les notions de valeurs dominantes et secondaires, la tolérance à certaines conduites jugées déviantes ou variantes). Cette marge de liberté n’est pas la même dans toutes les collectivités.

Dans ses leçons sur « l’éducation morale », Durkheim proposait comme idéal aux maîtres de contribuer à préparer les jeunes à l’édification d’une morale laïque nouvelle : « Une société comme la nôtre ne peut s’en tenir à la tranquille possession des résultats moraux qu’on peut regarder comme acquis. il faut en conquérir d’autres ; Et il faut, par conséquent, que le maître prépare les enfants qui lui sont confiés à ces conquêtes nécessaires, qu’il se garde de leur transmettre l’évangile moral de leurs aînés comme une sorte de livre clos depuis longtemps, qu’il excite au contraire chez eux le désir d’y ajouter quelques lignes, et qu’il songe à les mettre dans l’état de satisfaire cette légitime ambition ».

Ne pas confondre variance/déviance avec non-conformité/anti-conformité


Une conduite peut être conformiste dans un milieu considéré comme déviant. Un comportement déviant ou variant s’inscrit dans la rupture avec les valeurs dominantes ou les modèles préférentiels du milieu auquel on appartient.

On peut trouver dans des milieux non-conformistes la même gradation de stricte conformité, de tolérance ou de reconnaissance de la liberté et de l’innovation que dans tout autre milieu.

La socialisation s’exprime aussi bien dans le désir de changer de milieu que de se conformer à ce milieu. Au plan psychologique, les phénomènes d’ambivalence ou de transfert peuvent influencer le comportement de l’individu, agir sur ses choix de façon inconsciente (refus d’un père autoritaire, identification à un leader…)

Ce sont souvent les mêmes éléments du processus de socialisation qui engendrent les conduites que la société appelle « pathologiques » : crime, prostitution, délinquance, suicide. Les conduites pathologiques peuvent résulter de frustrations, sentiments d’angoisse, d’insécurité… qui développent chez d’autres un désir de réforme sociale ou d’innovation.

La marge qui sépare adaptation sociale de « mésadaptation pathologique » n’est pas très grande car les mêmes mécanismes psycho-sociaux peuvent être à l’origine de l’une ou de l’autre.

Les milieux de la socialisation

Il faut distinguer les milieux d’appartenance des milieux de référence.

Milieu d'appartenance
Le groupe racial, ethnique, culturel aura une influence sur la psychologie de l’enfant comme son appartenance à une classe sociale ou le fait qu’il soit élevé en ville ou à la campagne. Les différences d’éducation sont motivées par les aspirations, les attentes des parents, les valeurs principales auxquelles se rattache la famille et les attitudes qui en découlent. Selon Maurice Halbwachs « les motifs des hommes et leurs tendances nous paraissent être, dans la plus grande quantité des cas, entièrement relatifs aux conditions qu’ils occupent dans la société ».

Milieu de référence
Les milieux de référence sont aussi importants dans le sens où les agents de socialisation empruntent leurs modèles et leurs valeurs. Pensons par exemple aux familles d’immigrants qui dans l’éducation de leurs enfants s’inspirent des modèles et valeurs de leur pays d’accueil dans une volonté d’adaptation.

Conclusion
Les milieux d’appartenance et de référence fournissent donc les modèles, normes, valeurs et symboles dont s’inspirent les agents de socialisation et permettent aux individus de développer leur identité pour s’adapter à leur milieu de vie.

Les agents de la socialisation

Les agents de la socialisation sont nombreux. On peut les classer selon plusieurs critères :

  • Groupes identifiables (famille, école, corps institutionnalisés) ou acteurs diffus (radio, TV) qui s’adressent à l’ensemble de la collectivité. Les medias participent à la socialisation bien qu'elle ne constitue pas leur but final. Certaines émissions ont cependant pour objectif d’éduquer. Mais des études réalisées par Himmelweit, Oppenheim ou Vince ont montré que de jeunes enfants apprennent et retiennent mieux les choses en visionnant des émissions dramatiques qu’en visionnant des émissions éducatives didactiques. Par les valeurs et le modèles idéalisés qu’elle présente avec un impact émotif puissant, contribuant à inhiber le jugement critique, la télévision exerce une forte influence. Himmelweit, Oppenheim ou Vince ont montré que la télévision idéalisait les modèles et les valeurs de la classe moyenne.
  • Agents de socialisation ayant pour but de former, d’éduquer, d’inculquer des principes ou agents n’exerçant pas cette fonction de façon instrumentale. Les premiers (famille, école, églises, sectes, mouvements éducatifs) ont comme but explicite la socialisation et ont tendance à vouloir socialiser la personne totale alors que les seconds n’agissent que sur un segment de la personnalité (mouvements syndicaux, entreprises, partis politiques).
  • Les groupes et institutions peuvent aussi se différencier en fonction des groupes d’âge homogènes ou hétérogènes qu’ils forment. La socialisation n’est pas seulement la transmission de la culture par les aînés. Par exemple, les « gangs », mouvements politiques de jeunes etc. participent intensément à la socialisation de leurs membres qui s’effectue au sein de groupes d’âges homogènes.

samedi 4 septembre 2010

Les mécanismes de la socialisation : l’intériorisation d’autrui

La socialisation s’effectue par le biais de l’apprentissage (qui passe par la répétition, l’imitation, l’application de récompenses et sanctions, les essais et les erreurs), de l’hérédité et du milieu extérieur (qui ont une influence sur l’apprentissage) ainsi que sur l’intériorisation d’autrui à laquelle les sociologues accordent une part importante.

Charles H.Cooley

Selon le sociologue Charles H.Cooley (Human Nature and the Social Order 1902), la conscience existentielle est le produit de l’intuition des perceptions de soi par autrui et la communication avec les autres. Le « soi » est social mais également conscience morale : le sentiment du bien et de l’obligation résulte de la synthèse d’influences subies sur une personne, grâce à sa sensibilité « sympathique » aux jugements des autres.

Georges H.Mead

Georges H.Mead a repris l’analyse du « soi social » en montrant comment l’enfant, à travers le jeu se développe mentalement et se socialise, en jouant le rôle des autres et en intériorisant leurs attitudes. Le Soi de l’enfant se développe par l’identification à d’autres personnes dans les rôles qu’elles remplissent et particulièrement par l’intériorisation de « l’autre généralisé », c’est-à-dire de l’ensemble organisé, structuré des autres rôles dont il dépend ; il construit également son Soi par la discrimination que son propre rôle lui permet de faire entre sa personne et autrui.

Par les fonctions qu’il attribue à la pensée et à l’intelligence dans l’apprentissage et dans l’action, Mead a contribué à dégager la psychologie américaine des limites physiologiques ou l’enfermait un behaviorisme strict. Pour Mead, la pensée est sociale car elle se développe par et dans la communication avec autrui.

Jean Piaget

Les travaux de Jean Piaget rejoignent ceux de Mead. Piaget a étudié en particulier le développement de la pensée chez l’enfant en identifiant plusieurs étapes jusqu’à l’intériorisation d’autrui, la socialisation :

Petite enfance : l’égocentrisme. L’individu commence par tout comprendre et tout sentir à travers lui-même (l’esprit se confond avec l’univers). A travers le jugement des autres, son anomie intellectuelle (incapacité) et affective cède le terrain, sous la pression des règles logiques et morales collectives. Jusqu’à 7 ans, c’est le contact avec les parents qui prédomine.

A la phase de l’égocentrisme succède une phase où l’enfant alterne entre égocentrisme primitif et acceptation passive de la pensée et des jugements d’autrui. « Le bon plaisir du moi est remplacé par le bon plaisir d’une autorité souveraine ».

Après 7 ans apparaît une phase de coopération, possible non pas avec des adultes mais des égaux, compagnons du même âge. Coopération qui mène à l’autonomie de la pensée et de la conscience morale. Les règles et les principes auxquels l’enfant obéissait par soumission et passivité deviennent, en passant par la réflexion et la critique qu’exige la coopération, des convictions, des jugements moraux personnels. Les connaissances, normes, valeurs sont progressivement intériorisés pour devenir raison et conscience personnelle.

Sigmund Freud

Freud et ses disciples ont sondé et éclairé les fondements affectifs de la conduite humaine et des rapports sociaux. La psychanalyse a contribué à expliquer le processus de socialisation à partir de 4 points essentiels : les rapports de l’enfant avec ses parents (Oedipe), l’ambivalence des sentiments (la capacité de l’être humain à aimer et à détester en même temps les mêmes personnes), le "transfert" et l’analyse du « surmoi ».

Exemple d'étude
Lire le résumé d’une étude réalisée par Claude Dubar, maître de conférence de sociologie à l’Université des Sciences et Techniques de Lille I sur le thème : "La socialisation : construction des identités sociales et professionnelles" (écrit théorique et pragmatique)

La socialisation

Définition de la socialisation

« Processus par lequel la personne humaine apprend et intériorise tout au cours de sa vie les éléments socio-culturels de son milieu, les intègre à la structure de sa personnalité sous l’influence d’expériences et d’agents sociaux significatifs et par là s’adapte à l’environnement social où il doit vivre ».

Processus de socialisation

La socialisation est marquée par plusieurs étapes : l’enfance avec les différents apprentissages, le premier emploi, le mariage, la vieillesse… qui nécessitent à chaque fois une nouvelle adaptation.

Les éléments de la société et de la culture deviennent partie intégrante de la personnalité comme obligation morale, les règles paraissent naturelles et ne sont pas ressenties comme des contraintes ou un poids pour l’individu.

Une fois adapté à son environnement social, l’individu y a sa place au sein du groupe (famille, entreprise, religion…), ressemblant mentalement et psychiquement aux autres membres, ce qui lui permet de communiquer avec eux, de partager des valeurs, des pôles d’intérêt…

Cette adaptation concerne la personnalité en profondeur, au niveau à la fois biologique ou psychomoteur, affectif et mental.

Résultat de la socialisation

Le résultat normal – du point de vue sociologique – de la socialisation est donc de produire une certaine conformité pour que chaque personne s’adapte et s’intègre à la collectivité et que celle-ci puisse assurer sa pérennité.

3 systèmes essentiels à l’action sociale humaine : la société, la culture et la personnalité

C’est de la conjugaison des 3 systèmes – société, culture, personnalité – que s’organise toute action sociale humaine concrète.
  • Le système social se structure à travers les éléments de l’action sociale comme un ensemble de parties interdépendantes qui forment une unité fonctionnelle.
  • La culture lui fournit des valeurs partagées qui le constituent en tant que système normatif d’interactions et de rôles. La culture se crée et se recrée à travers le tissu des interactions.
  • La personnalité (traits psychiques de l’être humain : tempérament, impulsions, besoins, aptitudes, intérêts, traces des expériences vécues…) apporte aux 2 systèmes précédents l’élément de vie, le moteur, l’ensemble des motivations qui font agir et réagir les acteurs en situation sociale.

lundi 30 août 2010

Prédominance de la consommation dans la vie sociale

Passant d'une logique de besoin à une logique de désir et de plaisir, nos sociétés ont élargi le champs de la consommation à une large palette d'activités (école, musée, cinéma...). Elles ne se contentent plus de répondre aux besoins naturels des individus mais les conduisent à mobiliser des ressources conséquentes (temps, argent, énergie) pour s'adonner à des activités de consommation qui couvrent un tiers à un demi de leur temps libre. Moteur de l'économie, indicateur de bien-être, la consommation est devenue un devoir après avoir été un droit. Consommation et possession constituent désormais des leviers incontournables pour accéder au bonheur, donner du sens à son existence.

 Une vision critique de la société de consommation américaine.


Quels facteurs sont à l'origine de cette évolution ? c'est à la fois dans le développement des villes et du commerce au moyen âge, de l'industrialisation et de la révolution agricole du XVIIIe siècle qu'il faut chercher. La diversification de l'alimentation entraîne une diminution de sa part dans le budget des ménages qui peuvent alors consacrer leurs revenus à l'achat d'autres biens et services. La nouveauté devient marque de statut social (cf Norbert Elias dans La société de cour), le développement au début du XIXe siècle des boutiquiers, des vitrines, des systèmes de rabais puis le passage au grand commerce avec une offre diversifiée, des marchandises abondantes, placées en rayons avec des prix fixes contribuent largement au phénomène de développement de la consommation.

Mais c'est surtout au XXe siècle et en particulier après la seconde guerre mondiale que la consommation a connu un formidable essor. L’ère de ce que l’on appelle la « consommation de masse » s’ouvre aux Etats-Unis dans les années 20 et en Europe à partir des années 50 avec l’aide du Plan Marshall. Dominique Desjeux, dans son ouvrage « La consommation » (Que sais-je, coll.puf) identifie 4 éléments clés de ce développement, stratégiques pour comprendre la société de consommation :
  • Le développement de l’automobile favorisant la mobilité vers les lieux de travail, de loisirs et d’achat et donc l’acquisition de biens de consommation.
  • L'avènement des loisirs dans les années 60 lié à la baisse du temps de travail (diminution du nombre d’heures travaillées, mise en place des week-ends de 2 jours, augmentation du nombre de semaines de vacances).
  • L’expansion du logement urbain (avec la reconstruction d’après-guerre) qui a entraîné le développement des pratiques de rénovation et de décoration, la mise en place de l’électricité, du gaz, de l’eau courante, l’acquisition de matériel électroménager et à la suite des objets liés aux activités de loisirs : télévision, magnétoscope, ordinateur…
  • Et enfin, l’arrivée des grandes surfaces avec le premier magasin Leclerc en 1949, la première enseigne Leclerc en 1956 et son premier hypermarché à Landernau en Bretagne en 1964.
Les medias, avec le développement de la presse féminine, de la télévision etc., ont largement participé à l’essor de la société de consommation, soutenue par une hausse régulière du pouvoir d'achat (intervention politique). Avec la sérialisation et la standardisation des objets qui suscitent un besoin de différenciation par l'image, le marketing est entré dans le jeu pour donner au produit une valeur d'image au-delà de la valeur fonctionnelle et favoriser l’émergence d’une culture de l'innovation ,contribuant elle-même à donner un élan supplémentaire au plaisir de consommer. Enfin, la théâtralisation du point de vente finit de transformer l'acte d'achat en expérience sensorielle et émotionnelle.

dimanche 29 août 2010

Instinct et culture

  • Le comportement instinctif est essentiellement congénital et non appris alors que la culture est non héréditaire et apprise.
  • L’instinct est endogène (qui se forme à l’intérieur sans intervention extérieure) alors que la culture est de nature sociale, c’est un bien collectif.
  • L’instinct se mêle de réflexes, tropismes (réaction à un stimulus), actes intelligents alors que la culture s’appuie sur des instincts pour se construire. La culture complète et affine l’instinct.
  • Culture et instincts se rapprochent dans le sens où l’activité culturelle est toujours mêlée de réflexes, d’habitudes, d’impulsions et d’activités instinctives.
  • La culture remplit pour l’homme la même fonction d’adaptation à son environnement que l’instinct chez l’animal.
  • La culture est propre à l’homme parce que seul celui-ci a pu développer la fonction symbolique et accumuler un réservoir de symboles de divers niveaux d‘abstraction . La culture permet à l’homme de bénéficier des acquis ne pouvant s’inscrire dans l’organisme biologique.

Culture et idéologie

Karl Marx a donné une signification très large au terme d’idéologie, l’assimilant ainsi à la culture, et une connotation péjorative dans le sens où il considère qu’elle est forcément aliénante « la puissance matérielle dominante » (classe sociale maîtrisant les moyens de production) possédant en même temps la « puissance spirituelle ». Il considère l’idéologie comme une « fausse conscience de la réalité » sociale, économique, politique.

En dehors de la tradition marxiste, les sociologues ont tenté d’en donner une définition plus restreinte considérant que l’idéologie est un élément de la culture constitué essentiellement d’un système d’idées et de jugements organisé pour décrire, expliquer, interpréter ou justifier la situation d’un groupe ou d'une collectivité et qui s’inspire de valeurs, proposant une orientation précise à son action historique.

 Une place centrale dans la culture
  • L’idéologie est une doctrine car elle revêt une forme explicite et verbalisée, elle fait référence aux valeurs.
  • Elle pousse l’individu ou la collectivité à l’action, ou du moins la dirige en fournissant buts et moyens. Elle a une fonction conative (utilisée par l'émetteur pour que le récepteur agisse sur lui-même et s'influence).
  • Elle cherche à opérer une jonction inspiratrice de modèles culturels, de sanctions et des symboles.
  • Elle permet aux sociologues, par l’observation, d’appréhender les sources du changement social.
  • Elle autorise des choix mais à l’intérieur des contraintes qu’elle impose.

Les fonctions de la culture

Fonction sociale
La fonction essentielle de la culture est de réunir une pluralité de personnes. D’autres facteurs contribuent de manière objective au même résultat comme les liens du sang, la proximité géographique, la cohabitation au sein d’un territoire, la division du travail. Mais ces facteurs sont transposés et réinterprétés dans et par la culture qui leur donne une signification ( ex : le mariage, la prohibition de l’inceste…).

Fonction psychique
La culture remplit une fonction de « moulage » des personnalités individuelles qui fournit des modèles de pensée, de connaissance, des idées, des canaux privilégiés d’expression, des moyens de satisfaire des besoins physiologiques etc.
Cependant, ce moule n’est pas rigide, il permet des adaptations individuelles et offre des options entre des valeurs dominantes, variantes ou déviantes. La société peut autoriser une part d’innovation, toutes ne laissant pas la même latitude.

lundi 16 août 2010

Définition et caractéristiques de la culture

Inspirée de Tylor et de Durkheim, la culture peut être définie comme un "ensemble lié de manières de penser, sentir et d'agir plus ou moins formalisées qui, étant apprises et partagées par une pluralité de personnes, servent, d'une manière à la fois objective et symbolique, à constituer ces personnes en une collectivité particulière et distincte".

Ses caractéristiques principales :
 
  • la culture s'adresse à toute activité humaine, elle est action vécue par les personnes (penser, sentir, agir)
  • elle est formalisée (plus ou moins) à travers des codes de lois, formules rituelles, cérémonies, connaissances scientifiques, technologie, théologie, mais aussi à des degrés divers, les arts, le droit coutumier, les règles de politesse...
  • elle est partagée par une pluralité de personnes : manières de penser, sentir, agir, considérées comme idéales ou normales
  • elle s'acquiert résultant de différents modes et mécanismes d'apprentissage
  • elle contribue à constituer une collectivité de manière à la fois objective et symbolique
  • elle forme un "ensemble lié", un système dont les éléments constitutifs sont unis dans une cohérence, ressentie subjectivement par les membres d'une société
Les sociologues et ethnologues discernent les groupements, collectivités, sociétés ainsi que leurs frontières à travers les symboles de participation que fournit la conduite des personnes. La culture prend ainsi le caractère d'un vaste ensemble symbolique.

Historique de la notion de culture

La culture sous l'angle de "progrès intellectuel"

Ce sont les études d'histoire naturelle qui donnent naissance au concept de culture en Allemagne à la fin du XVIIIe siècle. Leur objet porte en particulier sur l'analyse comparée de l'évolution des moeurs, institutions, idées, arts et sciences des sociétés et civilisations. Le terme de culture est employé en France depuis le moyen-âge mais s'applique au culte religieux, tandis que le champs cultivé est alors appelé "couture" ou "coture". Le verbe "culturer" ou "couturer" désigne l'action de cultiver la terre. Il donne naissance au XVIIe siècle au nom de culture : travail de la terre. Par extension ou analogie, on applique également ce terme à la science et à l'esprit, puis au XVIIIe siècle, la culture en vient à signifier la formation de l'esprit dans le sens de progrès intellectuel.

Une nouvelle connotation collective

Johann Christoph Adelung, grammairien philologiste allemand, reprend le terme de culture dans un sens plus étendu qu'il définit comme "progrès intellectuel et social de l'homme en général, des collectivités, de l'humanité" lui donnant pour la première fois une connotation collective.

On note que la notion de culture est née de l'histoire, de l'ethnologie, et non de la philosophie.

Avec Edward Tylor, considéré aujourd'hui comme le fondateur de l'anthropologie britannique, célèbre pour sa définition ethnologique de la culture, "la culture ou la civilisation, entendue dans son sens ethnologique étendu, est cet ensemble complexe qui comprend les connaissances, les croyances, l'art, le droit, la morale, les coutumes, et toutes les autres aptitudes et habitudes qu'acquière l'homme en tant que membre d'une société". Sa définition reste assez descriptive mais apporte une nouveauté notable : elle ne présente plus la culture à travers la notion de progrès.

Naissance de l'anthropologie culturelle ou sociale

Avec la naissance de l'anthropologie culturelle aux Etats-unis, l'anthropologie en vient à se définir comme la science de la culture. Elle est désignée sous le terme d'anthropologie sociale en Grande-Bretagne qui la distingue également de l'anthropologie physique. Elle s'autonomise progressivement de la tutelle de l’anthropologie physique au tournant des XIXe et XXe siècles, aux États-Unis, en Angleterre ou encore en France, sous le terme d’ethnologie.

Culture et civilisation

Les termes de culure et de civilisation sont appréhendés de façon différente par les sociologues, l'un et l'autre pouvant être reliés soit à la matière (moyens collectifs dont disposent les hommes pour exercer un contrôle sur la nature), soit à l'esprit (moyens collectifs dont disposent les hommes pour exercer un contrôle sur eux-même). Distinction qui sera par la suite considérée comme factice, donnant ainsi la préférence au terme culture.

Certains sociologues contemporains font cependant la distinction entre les termes culture et civilisation mais dans un sens différent : le terme civilisation désigne un ensemble de cultures particulières (ex : civilisation occidentale) tandis que le terme de culture est employé dans le cadre d'une société donnée et identifiable.

Le terme de civilisation peut en outre être employé pour les sociétés présentant un stade plus avancé de développement, marqué par le progrès technique, scientifique, l'urbanisation, la complexité de l'organisation sociale etc. Cette définition évolutionniste inclut un jugement de valeur. C'est pourquoi on emploie plutôt aujourd'hui les termes d'industrialisation, de développement et de modernisation plutôt que celui de civilisation.

Le symbolisme, composante essentielle de l'action sociale

Les modèles sont des expressions symboliques des valeurs :
  • La conformité extérieure des modèles symbolise l'adhésion intérieure des sujets à un certain ordre de valeurs
  • L'adhésion aux valeurs symbolise l'appartenance à une collectivité ou une société
En conséquence, l'univers des valeurs apparaît comme un vaste univers symbolique dans lequel se meuvent les acteurs sociaux, groupes, collectivités, civilisations.

Le symbole

Il requiert 3 éléments :
  • le signifiant : objet qui tient la place d'un autre
  • le signifié : la chose dont le signifiant tient lieu
  • la signification : le rapport entre le signifiant et le signifié qui doit être perçu et interprété.
Les symboles sociaux n'ont qu'un rapport conventionnel avec leur signifié. D'où la nécessité de l'utilisation d'un code.

Les fonctions du symbolisme

Le symbolisme a une double fonction de communication et de participation dans le sens où le symbolisme favorise le sentiment d'appartenance au groupe.

Le symbolisme et sa fonction de participation

On distingue 4 types de symboles :


Les symboles de solidarité : ils contribuent à la représentation et au sentiment d'appartenance au groupe ( ex : drapeau, armoireries...). Au niveau microsociologique, de nombreuses fêtes et cérémonies familiales sont empreintes d'un symbolisme de paticipation ( ex : mariages, enterrements...)
Les symboles d'organisation hiérarchique : ils sont observables à travers les distinctions de rangs et de pouvoir
Les symboles du passé : la mémoire collective simplifie, résume, élague, déforme, mythifie le passé en utilisant le symbolisme
Les symboles magiques et religieux : ils ont pour rôle de relier l'homme à un ordre surnaturel ou supranaturel. Ils permettent de distinguer les fidèles des non-religieux, le clergé des fidèles, les lieux saints des lieux profanes... à travers des costumes, des rits, des sacrements...
La magie est essentiellement symbolique ( ex : rituel des statuettes pour faire mourir un ennemi). Dans les sociétés archaïques, elle accompagne la vie sociale : travail, guerre, entreprises importantes...

Conclusion

Les symboles servent à relier entre eux les acteurs sociaux, à rattacher les modèles aux valeurs dont ils sont les expressions plus concrètes et observables ; ils recréent sans cesse la participation et l'identification des personnes et des groupes aux collectivités et renouent les solidarités nécessaires à la vie sociale.

Fonctions sociales des valeurs

Elles sont de 3 ordres :
  • les valeurs donnent une certaine cohérence à l'ensemble des règles et modèles
  • elles contribuent à l'unité psychique des personnes. Selon le psychologue Gordon Allport "les valeurs contribuent à la cohésion et à l'intégration de la perception de soi et du monde"
  • elles sont essentielles au "consensus social" selon l'expression d'Auguste Comte (appelé "solidarité sociale" par Emile Durkeim) et qu'on nomme aujourd'hui l'intégration sociale (condition de participation à la collectivité).

Notons cependant que les valeurs ne sont pas partagées par tous avec la même intensité et que le partage de mêmes valeurs peut aussi entraîner des conflits (ex : conflits d'intérêts).

mercredi 28 juillet 2010

La consommation, phénomène ambivalent au coeur du politique

"La consommation apparaît comme un phénomène ambivalent qui produit autant de violence que de sociabilité, autant un imaginaire "messianique" qui annonce un monde idéal sur terre qu'un imaginaire apocalyptique qui se projette dans un monde de malheur. Cette ambivalence explique que la consommation est à la fois au coeur du politique et du religieux" comme l'explique Dominique Desjeux, professeur d'anthropologie sociale à l'université Paris V, dans son ouvrage La consommation (Que sais-je ? collec.puf).

Pour illustrer cette ambivalence, ajoutons à la lecture du livre de Dominique Desjeux (il présente, dans une première partie, les fondements théoriques de la sociologie de la consommation), un ouvrage très critique (apocalytique) : La société de consommation de Jean Baudrillard ; et à l'opposé un livre illustré, Confort(s) La génération vautrée, réalisé par François Bellanger dirigeant de Transit, agence spécialisée dans l'innovation et la prospective et Gérard Laizé, directeur général du VIA (Valorisation de l'Innovation dans l'Ameublement). "Génération vautrée" n'est pas un livre de théoriciens. Bien qu'il s'inspire de leurs travaux et qu'il donne à la parole à des sociologues, des ethnologues, il est essentiellement l'oeuvre de prospectivistes, designers, ergonomes, dirigeants d'entreprises dans le domaine du mobilier en particulier. Il donne corps à tout ce qu'exècre Jean Baudrillard dans notre société "aliénée par la consommation" pour lequel "Architectes, publicitaires, urbanistes, designers, tous se veulent démiurges, ou plutôt thaumaturges (personnes qui font des miracles) de la relation sociale et de l'environnement. Les psychosociologues eux-aussi se veulent thérapeutes de la communication humaine et sociale. Jusqu'aux industriels qui se prennent pour des missionnaires du bien-être et de la prospérité générale".

Ambivalence au coeur du politique qui apparaît dès les fondations de la sociologie de la consommation à travers les approches de Veblen ( la consommation comme distinction sociale) et Halbwachs (la consommation comme facteur d'intégration sociale).

vendredi 16 juillet 2010

Le rôle des valeurs dans l'orientation normative de l'action

Une valeur est une manière d'être ou d'agir qu'une personne ou une collectivité reconnaissent comme idéale et qui rend désirables ou estimables les êtres ou les conduites auxquels elle est attribuée.

Les valeurs sont inspiratrices des jugements et des conduites. Elles sont sous-jacentes aux modèles. La signification des modèles apparaît lorsque ceux-ci sont perçus dans leurs rapports aux valeurs. Ils prennent alors figure d'application spécifique. On comprend mieux leur pouvoir et leur efficacité puisqu'ils s'appuient sur un palier plus en profondeur de sentiments et de jugement qu'on appelle ici les valeurs.

Le pouvoir de contrainte des modèles ne s'appuie donc pas seulement sur des sanctions positives ou négatives mais sur des valeurs. L'orientation aux valeurs est un des aspects les plus profonds de l'orientation normative de l'action.

Cependant, il arrive que des modèles se coupent des valeurs qui les ont inspirés, ils prennent alors une conformité routinière.

Les valeurs sont spécifiques à une société et évoluent dans le temps (moins rapidement que les modèles).

Enfin, elles possèdent une charge affective qui en font un puissant facteur dans l'orientation de l'action des personnes et des collectivités.

Retenons que les valeurs sont inspiratrices des jugements et des conduites, qu'elles sont relatives et porteuses d'une charge affective. Enfin, elles sont hiérarchisées dans ce que l'on appelle une "échelle des valeurs".

Principaux éléments d'un système d'action sociale

Les principaux éléments d'un système d'action sociale sont :
  • les unités ou parties : ce ne sont pas les personnes mais les actes sociaux orientés normativement ou les acteurs, non pas en tant qu'individus mais dans leurs rapports aux autres suivant la position qu'ils occupent, suivant leur rôle
  • les facteurs d'organisation ou de structuration des unités du système : modèles, rôles, sanctions grâce auxquels les unités sont liées entre elles pour former une collectivité, une action commune
  • l'interdépendance des unités : chaque acteur remplit son rôle en fonction des attentes des autres
  • l'équilibre d'échange (complémentarité, interaction), mouvant, qui résulte de cette organisation et de cette interdépendance
L'action sociale renvoie à 2 paliers d'analyse, celui de la conduite des sujets : analyse microsociologique et celui de la collectivité : analyse macrosociologique.

L'orientation normative de l'action s'applique aux conduites et la structure normative de l'action s'applique aux ensembles sociaux.

Les deux approches - microsociologique et macrosociologique - appartiennent à un même "phénomène social total" selon l'expression de Marcel Mauss. Le sociologue passe d'un palier à l'autre palier, tant dans la conduite d'analyse théorique qu'empirique.

mercredi 14 juillet 2010

Donner du sens aux objets industriels standardisés

A l'ère des produits industriels dupliqués de façon identique, le consommateur, par la réappropriation, redonne du sens aux objets qu'il acquière dans lesquels il projette affect et émotion.

Le phénomène du bricolage en est une illustration particulièrement significative. Le consommateur assemble des objets divers pré-existants pour en créer de nouveaux. Il réorganise la valeur fonctionnelle de chaque élément et bricole un système qui fait sens pour lui. Pour Claude lévi-Strauss, "le bricolage est le propre de la pensée mythique, en ce qu'il induit une faculté de s'exprimer à l'aide d'un répertoire limité dont la composition est hétéroclite".

Francesco Morace a développé l'idée que l'enfant se réapproprie l'objet par le jeu. Celui-ci participe alors à "la découverte de son environnement, des objets et des êtres vivants", "la construction de sa vie intérieure, de sa personnalité, de sa pensée, de son affectivité et de ses relations avec les autres".

La consommation peut alors être conçue comme une réapropriation et un mode de créativité et d'expressivité personnelle, vecteur d'autonomie de la personne.

En savoir plus sur rapprochement entre le bricolage et la pensée mythique par Claude Lévi-Strauss.

Consommation et aliénation

De nombreux penseurs ont remis en question le rôle de la consommation dans la construction identitaire :
pour l'Ecole de Francfort : la société est anesthésiée, confinée à la passavité, le lieu aliénant du travail est relayé par les lieux tout aussi factices des loisirs et de la culture, un enfermement qui a pour fonction de neutraliser les vélléités contestataires.
Selon Jean Baudrillard, les innovations sont source de factivité. L'individu est soumis au rythme de plus en plus rapide des codes, signes et objets. Le système de consommation vient compléter le système de production (processus logique).
Pour Guy Debord, la marchandise culturelle est dénoncée comme principal opium qui aurait pour fonction de faire oublier aux étudiants la misère quotidienne. Il dénonce le spectacle comme nouvelle expression du totalitarisme effaçant les frontières entre le privé et le public.
Enfin, Henri Lefèbvre dénonce la "colonisation de la vie quotidienne" à travers les objets factices, fétiches, qui occultent les rapports des hommes entre eux.

mardi 13 juillet 2010

Consommation et construction identitaire

La consommation permet aux individus de se mettre en récit à travers notamment l'extension du soi traduite à travers ses choix de consommation.

Il faut partir du principe que l'identité individuelle doit être conçue comme un processus différentiel (on acquière une identité dans la différence),  dialogique (on négocie des facettes identitaires avec d'autres acteurs sociaux) et temporelle.

Selon Erwin Goffman, les pratiques de consommation mettent en jeu un ensemble d'interactions qui sont comme un théâtre dans lequel l'individu se met en scène. L'entité n'est pas homogène et unique dans la mesure où nous disposons de plusieurs "soi" :
  • le soi perçu, la façon dont l'individu se perçoit
  • le soi vitrine, la façon dont l'individu se pense perçu par les autres
  • le soi idéal, la façon dont l'individu souhaiterait être perçu.
La propriété peut être conçue comme "un prolongement de l'être" (Hegel), les objets consommés constituant un système sémiotique d'expression par lequel les individus expriment leur personnalité et leur appartenance culturelle. La consommation symbolique signifie que l'individu cherche à améliorer son image de soi à travers la consommation de biens symboliques.
Ainsi selon McCracken, avoir et être sont distincts mais inséparables. On peut parler d'extension du soi lorsque l'être prévaut sur l'avoir dans la possession d'un objet.
Le soi étendu peut s'exprimer à travers le désir de collection qui, complétée à tout prix, exprime une mise en valeur personnelle symbolique. Le vol d'objet peut être vécu comme une diminution du moi.

Assimilation/différentiation : ambivalence dans la construction de l'identité
L'individu oscille entre une stratégie d'assimilation à son groupe d'appartenance dans une volonté normative et au groupe de référence auquel il veut s'identifier et une volonté de différenciation (provocation, transgression).

lundi 12 juillet 2010

Nouvelles formes d'influence chez l'enfant

L'enfant construit son identité à l'intérieur comme à l'extérieur de la famille à travers les médias (1000 heures passées devant la télévision par an), l'école (marketing scolaire dans un but prétendument pédagogique sous la caution morale des enseignants) et ses pairs (construction de valeurs entre camarades sans rapport d'autorité, signes de reconnaissance - c'est dans la cour de récréation que se font et défont les modes). L'élaboration des produits adaptée à l'enfant ne réside pas seulement dans l'adaptation ludique, elle change souvent radicalement la fonction du produit. Ex : un flacon de ketchup devient un personnage, compagnon de l'enfant amené à dîner seul (pour des raisons sociologiques liées à la hausse des familles monoparentales). Les marques discriminent dans leur approche parents et enfants, mais peuvent également structurer le lien qui unit les générations en s'adressant aux uns et aux autres sur des registres différents. Les marques inversent parfois les rôles en positionnant l'enfant en tant que prescripteur et contribuent à provoquer discussion et négociation au sein de la famille, agissant sur l'ordre des relations parents/enfants. La consommation contribue ainsi chez l'enfant à la construction de son identité.

dimanche 11 juillet 2010

Décisions d'achats au sein de la famille

La famille est un groupe social intéressant à observer pour envisager les types d'interactions et les systèmes d'influences.
4 zones décisionnelles :
  • la zone autonome où chacun se spécialise dans l'achat d'une catégorie de produits
  • la zone dominée par la femme qui est souvent liée à la cuisine, l'entretien de la maison, les vêtements de la femme et des enfants...
  • la zone dominée par le mari qui est souvent liée aux outils, voitures, produits d'assurance...
  • la zone commune qui concerne les décisions prises conjointement, par exemple pour les vacances, les loisirs, le logement...
Le rôle de chacun dépend du type de famille (patriarcale, matriarcale, égalitariste), de la position dans le cycle de vie familale, de l'organisation domestique et de l'identité sociale du couple (chez les ouvriers la femme est plutôt gestionnaire, femme d'intérieure dans les classes supérieures et de profil plutôt égalitaire dans les classes moyennes), enfin le nombre d'enfants (l'égalitarisme diminue avec l'accroissement du nombre d'enfants).

4 facteurs principaux permettent d'expliquer le degré d'autonomie dans la décision d'achat : la prégnance des stéréotypes, les ressources de l'épouse, l'expérience et le statut socio-économique.

Au sein de la famille, l'enfant devient consommateur vers 7 ans. Il a un pouvoir d'achat mais aussi un pouvoir d'influence en tant que prescripteur. Sa volonté d'émancipation passe par la consommation et s'accroît avec l'âge. Le marketing cherche à séduire l'enfant et à rassurer la mère. L'enfant utilise différentes stratégies pour transformer son pouvoir idéologique en pouvoir économique : légitimer sa demande en faisant appel à l'expertise qu'il a du produit, faire un contrat (échange), recourir au chantage affectif, utiliser un stratagème, former une coalition avec une tierce personne.

A lire : L'organisation domestique, pouvoir et négociation - Michel Glaude François de Singly

Rôles de l'individu face à la consommation

l'individu peut être, tour à tour :
  • l'acheteur, qui procède à l'acte d'achat
  • l'initiateur, qui fait apparaître le besoin dans l'unité de consommation
  • l'influenceur, qui a un rôle important dans le choix d'une marque du fait de sa compétence et de son autorité (leader d'opinion)
  • l'informateur, qui procure des renseignements plus ou moins pertinents relatifs à l'achat d'un produit
  • le décideur, qui a le pouvoir de décision finale en vertu de son pouvoir budgétaire
  • l'utilisateur, qui consomme le produit et l'évalue par rapport à ses attentes
  • le garde barrière qui en raison de son pouvoir ou de son influence peut s'opposer à l'achat

Communauté de marque et approche tribale

Au-delà de leur fonction hédonique, objets et marques remplissent des identités (personnelles et sociales) de plus en plus évidées et dénudées du fait de l'abandon du sens de la tradition dans une société de plus en plus matérialiste.

Une communauté de marque est un ensemble structuré de relations sociales entre utilisateurs d'une marque dont l'affinité, la culture et l'histoire dérivent de la consommation de cette marque. Les consommateurs participent à la construction sociale de la marque. Les communautés de marque ont pour caractéristiques :
  • une fidélité à la marque exclusive de nature oppositionnelle (contre le concurrent principal)
  • un engagement (si la marque est attaquée)
  • le recrutement de nouveaux membres
  • des rites et traditions qui donnent du sens à la communauté et permettent de la perpétuer.
L'approche tribale signifie notamment d'envisager une relation à la marque qui ne passe plus par des cartes de fidélité et des bulletins d'information mais par :
des rituels, objets cultes, lieux.
Ils fondent l'expérience communautaire de la marque mais aussi la capacité à raisonner en termes de communauté signifiante (groupement autour d'un intérêt, d'une passion...) et non plus en termes de segments.

jeudi 8 juillet 2010

Le concept de style de vie

Les styles de vie sont un ensemble de variables pour définir le consommateur et mesurer l'impact de ses variables sur ses choix de consommation. S'intéresser aux styles de vie, c'est prendre en compte dans les choix de consommation le mode de vie des individus.

Le concept de style de vie a été introduit par le psychologue Alfred Adler pour décrire "le système de règles et de conduites développé par un individu pour atteindre ses buts dans la vie", modalité de réponse à son environnement.

Pour Max Weber, le style de vie est un moyen d'affirmer son statut social.

Les variables prises en compte pour définir les styles de vie peuvent être les activités, intérêts, opinions : approche AOI ; ou les variables de personnalité.

L'approche la plus complète est celle de Jerry Wind et Paul Green qui considèrent 3 niveaux d'identification :
  • valeurs et traits de personnalité
  • activités et attitudes
  • choix de consommation
 Le style de vie se définit comme l'interaction de ces 3 niveaux.

Enfin, la méthodologie des socio-styles initiée par le CCA - Centre de Communication Avancée - regroupe les français et les européens en identifiant les mentalités socio-structurelles. Elle prend en compte la personnalité, les habitudes, les opinions et les aspirations des répondants. Ils sont classés en sous-catégories correspondant à des comportements spécifiques de consommation, selon 2 courbes : axe plaisir fantaisie/sérieux ascétisme et axe modernisme aventure/conservatisme sécurité. La fiabilité de la méthodologie  proposée par le CCA a été remise en cause, comme d'ailleurs celle de la COFREMCA, du fait de leurs résultats divergeants (la COFREMCA identifie 55 courants socio-culturels à partir d’un questionnaire de type AIO).

Pour en savoir + sur les styles de vie, lire le résumé de Freddy Mingot - DESS Contrôle de gestion 1998-1999 - sur les Styles de vie par Pierre Valette-Florence
Le résumé se compose de 3 parties permettant ainsi de dresser un bilan critique : présentation des styles de vie et de ses différentes approches, mise en application et critiques, principales perspectives d’évolution.

lundi 28 juin 2010

Pierre Bourdieu et la question du goût

Pour Pierre Bourdieu la question du goût, des choix de consommation, s'explique à travers la façon dont les individus mentalisent les aspects socio-symboliques des biens. Dans La distinction, Pierre Bourdieu remet en cause l'approche subjectiviste du goût au profit d'une approche parfois qualifiée de déterministe qui s'appuie sur l'idée que les goûts proviennent d'un héritage socio-culturel.

Bourdieu explique que les goûts, qu'ils soient vestimentaires, alimentaires, de loisirs etc. semblent redondants les uns par rapport aux autres. Il distingue les habitudes et routines acquises et reproduites machinalement au sein d'un habitus. Cette concordance des goûts appliquée à divers univers débouchera plus tard sur les styles de vie.
Benoît Heilbrunn définit le terme d'habitus comme un "opérateur servant à décrire à la fois la systématicité des propriétés et des goûts d'un individu ou d'un groupe et la perception par l'ensemble des agents sociaux de cette systématicité comme système de signes qualifiés". Dis-moi ce que tu manges et je te dirai qui tu es...

mardi 22 juin 2010

Rôle et influence de l'appartenance sociale sur la consommation

L'objet de consommation est un medium  de communication induisant des logiques d'identité, d'inclusion et d'exclusion. L'échange de biens renvoie à un échange de signes situant les individus les uns par rapport aux autres.

Une question importante de la sociologie de la consommation est le rôle et l'influence de l'appartenance sociale de l'individu sur ses choix et pratiques de consommation.

Dans une logique marketing, il est important de déterminer les variables qui conditionnent les choix et pratiques de consommation.

Pour Karl Marx, ce sont les classes sociales issues des rapports de production entre les individus qui possèdent les moyens de production, le capital, et ceux qui possèdent le travail.

Pour Halbwachs, ce sont les rapports sociaux qui produisent les besoins, les conduites sociales et donc la structure de la consommation des différents groupes sociaux. Il fonde sa sociologie sur l'étude des besoins, reflet de la culture de chaque catégorie sociale et du degré de participation de celle-ci à la vie sociale. La consommation est donc une construction sociale et traduit la représentation collective que la société se fait d'elle-même. La société prévoit pour les individus, et à leur place, la nature et la quantité des besoins (approche Durkheimienne). La consommation s'explique non pas par le revenu mais le niveau de vie, la catégorie sociale.

Pour Thorstein Veblen, la richesse confère de l'honneur. Les individus sont entraînés en permanence dans une logique de comparaison entre eux et une spirale de surenchêre dans la consommation, l'accumulation, la nécessité de montrer ce qu'ils possèdent. Il parle de consommation ostentatoire. Ce sont les individus placés au plus haut dans la hiérarchie sociale qui dictent les choix.

Enfin, pour Georg Simmel qui s'est intéressé en particulier à la mode, l'individu confirme sa position dans l'espace des statuts sociaux à travers ses achats et la monstration de biens marchands.

Les règles qui structurent une culture applicables à la consommation

Selon Claude Lévi-Strauss, 3 types de règles permettent de structurer une culture. L'objet de consommation est un objet culturel parce que son usage est soumis à ces règles. Il s'agit des interdictions (manger avec les doigts...), des permissions et des prescriptions. On peut tout à fait les rapprocher des comportements impératifs (comme ne pas tuer, ne pas voler), recommandés (éviter l'adultère) et préférentiels (mettre une tenue habillée pour un mariage) décrits plus bas.

Typologie virtuelle de 4 profils de clients

  • Les stratèges : ils cherchent à optimiser le temps passé en magasin, vécu comme un instrument permettant de relier un point à un autre
  • Les sociaux : ils valorisent les rencontres à l'intérieur de l'espace marchand, recherchent la bonne affaire. L'espace commercial est appréhendé comme un lieu possible d'émotion, de sensation et de découverte
  • Les critiques : sensibles au rapport qualité/prix, ils considèrent les courses comme une corvée et cherchent à optimiser les rssources économiques allouées
  • Les hédonistes : pour lesquels les courses constituent une récréation, une activité ludique qui a du sens indépendamment de l'achat

Les 3 facettes de la marchandise

Au-delà des valeurs d'usage et des valeurs d'image qu'il véhicule, un objet de consommation engage 3 versants complémentaires : le sensoriel, le sémantique et le somatique desquels découlent les 3 facettes de la consommation :
  • Dimension physique : préhension de l'objet par le consommateur à travers l'utilisation de ses 5 sens
  • Dimension rhétorique : capacité des objets à signifier au-delà de leur valeur fonctionnelle et utilitaire, un imaginaire et des valeurs (associations mentales)
  • Dimension pragmatique : elle renvoie aux rituels d'achat et de consommation.
Ce sont ces dimensions physiques, idéologiques et comportementales qui expliquent le pouvoir des biens de consommation à mailler sensorialité et sociabilité.

jeudi 17 juin 2010

Variance et déviance

Si la variance est le choix dont bénéficient les individus entre les modèles proposés par une société donnée, la déviance est un comportement a-social ou anti-social qui peut cependant être toléré. Il débouche parfois sur le changement social et peut être source de modernisation. Variance et déviance concernent en général des groupes minoritaires. Les modèles qu'ils proposent peuvent parfois gagner l'adhésion de la majorité (révolution, résistance...)

Le déterminisme social, postulat incontournable pour le sociologue

C'est en sociologie, le modèle qui établit la primauté de la société sur l'individu. Derrière l'apparente spontanéité des actions humaines, se cache un ordre social que le sociologue a pour but de mettre à jour. Il fait du déterminisme un postulat de départ reconnaissant l'existence d'une standardisation des comportements individuels, entente explicite entre les membres d'une même communauté.

Certaines sociétés imposent plus fortement des modèles que d'autres. Au sein d'une même société cohabitent différents types de modèles : impératifs (comme ne pas tuer, ne pas voler), recommandés (éviter l'adultère) et préférentiels (mettre une tenue habillée pour un mariage).

L'orientation normative de l'action comporte une part de décision. La liberté est le choix que les individus peuvent opérer entre divers modèles d'action à l'intérieur des limites données.

lundi 14 juin 2010

Les sanctions attachées aux modèles

La contrainte sociale s'impose à travers un certain nombre de sanctions :
  • sanctions physiques : violence, emprisonnement, peine de mort, gifle, coup de pied sous la table...
  • sanctions économiques : amendes, boycottage, mise à pied, retrait d'une bourse à un étudiant...
  • sanctions surnaturelles : d'ordre religieux ou magique
  • sanctions sociales : expulsion du groupe, rejet, commérage, moquerie
Ces 4 types de sanctions peuvent être transformés de façon positive pour encourager, récompenser, gratifier.

L'orientation normative de l'action sociale

"L'action humaine est sociable parce qu'elle s'inscrit dans une structure d'action qui lui est fournie par des normes ou règles collectives ou communes dont elle doit s'inspirer". Ces règles et normes sont appelées "patterns of culture" ou "cultural patterns" par les anthropologues et les sociologues. Il s'agit du "patron" - modèle, dessin - dont on s'inspire. C'est ce que Durkheim appelle - de façon négative - la contrainte sociale.
L'action sociale est donc la manière de penser, sentir, agir dont l'orientation est structurée suivants des modèles collectifs.

mardi 8 juin 2010

Traditions "compréhensive" et "positive"

Max Weber considère qu'à la différence des sciences de la nature, les sciences de l'homme se fondent sur la compréhension. La sociologie est pour lui "une science qui cherche une compréhension interprétative de l'action sociale pour arriver par là, à une explication causale de son sens et de ses effets" conformément à sa notion de subjectivité.

Durkheim lui, se situe dans la lignée du positivisme français, inspirée par Auguste Comte qui privilégie une analyse objective, rigoureuse, méthodologique de la société, à l'image de la méthode scientifique. Durkheim considère les phénomènes comme des objets d'observation. Il tient à distinguer la sociologie de la psychologie en distinguant la conscience individuelle - réalité psychique - de la conscience collective - réalité sociale.

Les deux approches se complètent. On reconnaît aujourd'hui généralement que la sociologie est la fois compréhension et explication, subjective et objective.

Rôles respectifs de la psychologie et de la sociologie

Les conditionnements de l'orientation de l'action sont à la fois psychiques (une personne agit avec sa personnalité - caractères héréditaires, tempérament, appareil neuro-physiologique, expériences vécues...) et sociaux (manières d'agir, de penser, de sentir collectives).

Ce sont ces conditionnements sociaux de la conduite que le sociologue étudie, cherche à comprendre, préciser, analyser. Ses travaux s'inscrivent en complémentarité de ceux du psychologue qui s'intéresse aux profondeurs de la personnalité.

Définition de l'action sociale selon Emile Durkheim

Durkheim contribue à faire de la sociologie une science autonome, différente de la psychologie et de la philosophie en ramenant le fait social à un objet.

 Pour lui, les caractères de l'action sociale ne se situent pas, comme pour Weber, dans les états subjectifs des personnes mais dans les réalités extérieures aux personnes qui les contraignent. Il entend par réalité extérieure, la conscience collective composée de manières d'agir, de penser et de sentir - héritage commun d'une société donnée. A cette conscience collective qu'il définit par "type psychique" d'une société particulière, il oppose la conscience individuelle, univers privé de chaque personne : caractère, tempérament, hérédité, expériences peersonnelles. Cette conscience personnelle est plus ou moins développées, forte. La conscience collective ne s'impose pas aux individus de la même manière d'une société à l'autre. Mais quelque soit sa force, elle est toujours contraignante, coercitive (elle impose le respect de la loi, de la règle).

Mais Durkheim rétablit la continuité entre l'individu et la société, le psychique et le social en affirmant que l'individu, par l'éducation qu'il a reçue, ne ressent pas la contrainte que lui impose la société au sein de laquelle il vit. Il n'en est pas conscient ou plutôt il l'a assimilée, elle est devenue sa propre conscience morale.
La définition de Durkheim élargit la notion de l'action sociale :
  • il peut y avoir action sociale sans interaction entre individus
  • l'action sociale peut être présente dans l'activité individuelle - pensée, sentiment...- dès lors qu'elle correspond aux manières d'agir, de penser, de sentir collectives.

mardi 1 juin 2010

Définition de l'action sociale selon Max Weber

Max Weber est considéré comme le fondateur de la sociologie compréhensive, c'est-à-dire d'une approche sociologique qui fait du sens subjectif des conduites des acteurs le fondement de l'action sociale.

Pour Max Weber, trois critères déterminent le caractère social de l'action :
  • les personnes doivent tenir compte de l'existence et du comportement des autres. Par exemple, deux enfants jouant dans la même pièce, trop jeunes pour être sociabilisés, s'ignorent. Il n'y a pas d'action sociale.
  • le deuxième critère est celui de la signification : l'action du sujet doit avoir sa valeur de signe ou de symbol pour les autres et l'action des autres doit également avoir sa valeur de signe ou de symbol pour le sujet. La conduite des uns et des autres est insérée dans un sytème de communication.
  • enfin, il faut que les sujets fassent la preuve, par leur comportement, qu'ils ont compris les attentes des autres et qu'ils acceptent ou non d'y répondre.
La définition de la sociologie que Max Weber propose dans les premières pages d'Economie et société est la suivante : « Nous appelons sociologie une science qui se propose de comprendre par interprétation l'action sociale et par là d'expliquer causalement son déroulement et ses effets. »

C'est dans cette notion d'interprétation  que repose le caractère "subjectif" attribué à la définition de l'action sociale de Max Weber. La subjectivité intervient également dans le 3e critère de l'action sociale à travers la compréhension de la conduite des autres. C'est en observant ce 3e critère que l'on peut juger des 2 précédents.