dimanche 30 janvier 2011

3 grandes démarches scientifiques : la déduction, l'induction et la démarche hypothético-déductive

Ce sont les 3 démarches fondamentales de la recherche.
L'induction ou la démarche inductive consiste à induire des énoncés généraux (des vérités) à partir d'expériences particulières, rigoureuses et systématiques. Le chercheur observe la réalité sans idée préconçue en cherchant à tout voir si possible, à tout entendre, tout sentir pour en déduire des concepts, hypothèses, théories, lois... Il s'agit d'une approche empiriste. Fondateurs : Francis Bacon, David Hume.
Selon certains sociologues et anthropologues c'est la théorie la plus ancrée dans la réalité et non dans l'imaginaire du chercheur. Elle conduit à la vérité. D'autres la contestent, comme Karl Popper et les falsificationnistes qui avancent que l'induction ne garantit pas la véracité de ses énoncés généraux car l'observation d'une réalité ne peut être complète. Pour Popper, une démarche est scientifique si elle permet la falsification (la réfutation) d'une hypothèse et non si elle mène à une impossible vérification.
La déduction ou la démarche déductive, représentée par le philosophe René Descartes (1596-1650), se fonde sur la raison plutôt que sur les sens et l'expérience. A partir de ses intuitions (nées de la connaissance), le chercheur déduit d'autres affirmations qui en sont la conséquence. La déducation se fonde sur le raisonnement et s'oppose à l'empirisme comme source de savoir.
La démarche hypothético-déductive est celle la plus couramment utilisée par les chercheurs, c'est la démarche classique de la science moderne. Elle se compose des étapes suivantes :
1. Le chercheur pose la question de départ
2. Il formule des déductions ou des inductions en fonction des connaissances empiriques qu'il possède sur le sujet.
3. Il adopte ou construit une théorie, formule une ou plusieurs hypothèses de recherche (réponse provisoire à la question de recherche)
4. Il procède à des tests empiriques pour vérifier ou infirmer la ou les hypothèses
5. Si la ou les hypothèses sont vérifiées, la recherche s'arrête là, il lui faut communiquer les résultats.
Si la théorie, la ou les hypothèses sont infirmées par les faits, le chercheur peut délaisser sa théorie et son et ses hypothèses en tenant compte des nouveaux faits. Dans un cas comme dans l'autre, la recherche recommence (ou se poursuit) : le chercheur procède à de nouvelles déductions et/ou inductions, et ainsi de suite...jusqu'à ce qu'il découvre la vérité, c'est-à-dire la thorie et l'hypothèse qui correspondent aux faits.

Source : La démarche d'une recherche en sciences sociales François Dépelteau, coll. de boeck, 2000.
Une nouvelle édition est parue en 2010.

mercredi 26 janvier 2011

L'imaginaire et le symbolique dans les rapports sociaux

Pour Maurice Godelier, tout rapport social entre individus, qu'il soit politique, religieux, économique, familial... est soumis à la présence de "noyaux de réalités imaginaires" s'incarnant dans des institutions et des pratiques symboliques. Godelier rattache l'imaginaire à la pensée constituée des représentations que les humains se sont faites et se font de la nature et de l'origine de l'univers, des êtres qui le peuplent ou sont supposés le peupler et d'eux-même pensés dans leurs différences et/ou les différences qu'ils croient percevoir. Dans cet imaginaire, l'"idéel" constitue la  part subjective des rapports sociaux. C'est-à-dire pour Godelier "l'ensemble des représentations, règles de conduite, valeurs, positives ou négatives, attachées par le contenu et la logique d'une culture, aux êtres, aux choses, aux actions, aux événements qui entourent les individus, événements qu'ils subissent ou procèdent d'eux." Une culture n'existe vraiment que si l'idéel dont elle procède est associé à des pratiques sociales et matérielles. Le symbolique est l'ensemble des moyens et des processus par lesquels des réalités idéelles s'incarnent dans des réalités matérielles et des pratiques qui leur confèrent un existence concrète, visible, sociale. Les symboles ne survivent, pour Godelier, que s'ils font sens. C'est pourqoi, contrairement à Claude Lévi-Strauss, il affirme que c'est l'imaginaire partagé qui maintient les symboles en vie (et non les symboles qui priment sur l'imaginaire et le réel).

Source : Au fondement des sociétés humaines, Ce que nous apprend l'anthropologie - Maurice Godelier.

samedi 22 janvier 2011

Enjeux de la sociologie contemporaine

En lien avec ma page consacrée à une possible "explosion" de la sociologie dans les années à venir (comme je le crois...) je vous conseille d'aller faire un tour sur le blog UNE HEURE A PEINE dont l'auteur très en veille publie des billets pertinents, agréables à lire et qui ne manquent pas d'humour (ce qui vous en conviendrez ne gâche rien). J'aime beaucoup son billet "Quand les sciences sociales changent le monde" qui nourrit mon optimisme légendaire...et surtout donne des raisons rationnelles "d'aimer" la sociologie. Sans doute plus efficace que tous les papiers pessimistes constamment publiés sur sa disparition prochaine...A force de l'annoncer ça pourrait bien arriver ?! ...Lire la suite

Méthodologie - Comprendre pour comparer et comparer pour comprendre

Il y a quelque chose que Maurice Godelier explique très bien dans l'introduction à son ouvrage "Au fondement des sociétés humaines - Ce que nous apprend l'anthropologie",  c'est le rôle et le métier d'anthropologue. Si l'on y retrouve quelques-unes des grandes idées, les "classiques", des règles de la méthode sociologique de Durkheim,  son approche contemporaine nous permet de resituer la fonction de l'anthropologue dans le monde d'aujourd'hui. Globalisé, Godelier précise qu'il est reconfiguré par deux mouvements inverses : "un mouvement d'intégration et de mondialisation des activités et des rapports économiques au sein de chaque société et entre elles, et un mouvement de segmentation politique et culturelle qui divise et subdivise, souvent dans la violence, des ensembles politico-économiques préexistants et donne naissance à de nouveaux Etats qui doivent alors se transformer en nations" [...] réinventant leurs traditions locales. Il rappelle que la démarche intellectuelle de comparaison "de sociétés dans l'espace (anthropologie, sociologie) et dans le temps (archéologie, histoire) est au fondement même des sciences sociales". C'est la comparaison qui permet de développer des connaissances qui peuvent être utilisées pour analyser et résoudre des problèmes concrets qui se posent dans une société. Les recherches comparatives permettent, selon Godelier, une déconstruction critique, et une reconstruction plus rigoureuse des thérories en anthropologie et sciences sociales.

mardi 18 janvier 2011

L’imaginaire devient un rapport social quand il se traduit par des pratiques symboliques

Dans « Communauté, société, culture - Trois clefs pour comprendre les identités en conflits », Maurice Godelier démontre que les sociétés ne se constituent pas dans l’histoire à partir des liens de parenté (Lévi-Strauss) – même s’il reconnaît qu’ils sont une composante essentielle de la vie sociale - ou de production (thèse marxiste) mais à travers les rites d’initiation qui imposent un régime de pouvoir, un ordre au sein de la société. Après avoir analysé les rapports sociaux existants au sein de diverses sociétés dont celle des Baruya de Papouasie Nouvelle-Guinée, qu'il étudie de 1966 à 1988, il met en évidence que l'ordre social (ici fondé sur la domination masculine) repose sur les rites qui alimentent les mythes fondateurs, eux-même issus de faits imaginaires. Chez les Baruya, on apprend très tôt aux jeunes garçons que ce sont les femmes qui ont tout d’abord existé. Elles ont inventé de nombreuses choses parmi lesquelles les  arcs et les flèches dont elles ne savent pas bien se servir (elles tuent trop d’animaux…). Les hommes les leur ont confisqués puis interdits, ainsi que leurs flûtes, qui symbolisent leur vagin et que les hommes s'approprient.  A travers les rites d’initiation, les hommes perpétuent les actes visant à priver les femmes de leurs pouvoirs. « On mesure donc le rôle immense de l’imaginaire dans la construction des réalités sociales et des subjectivités qui les vivent et les reproduisent ».

mercredi 12 janvier 2011

Les règles de la méthode sociologique - la méthode des variations concomitantes - Emile Durkheim

Durkheim fonde la méthode des variations concomitantes qui est toujours utilisée en sociologie même si d'importants progrès ont depuis été réalisés dans le domaine des études statistiques.
Cette méthode permet d'obtenir mécaniquement un rapport de causalité entre les faits sociaux sans recourir aux vues de l'esprit (ou presque !)
On cherche à l'aide de la déducation comment l'un des deux faits a pu produire l'autre.
On vérifie l'ypothèse à l'aide d'expériences, c'est-à-dire de comparaisons nouvelles.
Si la déducation est possible et que la vérification réussit, on pourra regarder la preuve comme faite.
Si, au contraire, on s'aperçoit que les faits n'ont pas de lien direct entre eux, on recherche un troisième phénomène dont les 2 autres dépendent et qui ait pu servir d'intermédiaire entre eux.
Dès qu'on a prouvé que dans un certain nombre de cas, deux phénomènes varient l'un comme l'autre, on peut être certain qu'on est devant une loi.

mardi 4 janvier 2011

Les règles de la méthode sociologique - évolution et transformation sociales - Emile Durkheim

Selon Durkheim, l'évolution sociale ne trouve pas son origine dans la constitution psychologique de l'homme. La cause déterminante d'un fait social doit être recherchée parmi les faits sociaux antérieurs. Il remet ici en question l'approche d'Auguste Comte pour qui l'homme est, par instinct,  poussé vers le progrès, ainsi que l'approche d'Herbert Spencer pour qui la recherche du bonheur constitue le moteur de développement d'une société de plus en plus complexe. Théories pour lesquelles leurs auteurs n'apportent aucune preuve de véracité. Dans la même perspective, Durkheim pose pour règle que "la fonction d'un fait social doit toujours être recherchée dans le rapport qu'il soutient avec quelque fin sociale". Ainsi, les faits sociaux ne doivent pas être considérés sous un angle psychologique.
Durkheim examine ensuite les éléments qui constituent le milieu social interne - les choses (objets matériels, droit, moeurs, monuments, produits de l'activité etc.) et les personnes - ne leur reconnaissant pas davantage de puissance motrice dans les transformations sociales même si elles exercent sur elles un certain poids. C'est le mileu humain qui en est le principal facteur actif, à travers le "volume de la société" (nombre d'unités sociales) et sa "densité dynamique" (nombre d'individus qui sont en relations, pas seulement commerciales mais aussi morales). La densité matérielle (développement des voies de communication et de transmission) est en général en phase avec la densité dynamique.
Pour Durkheim, c'est donc le milieu social qui est le facteur déterminant de l'évolution collective.

lundi 3 janvier 2011

Les règles de la méthode sociologique - différencier la psychologie de la sociologie- Emile Durkheim

Durkheim établit un parallèle entre la cellule vivante et les molécules qui la composent d'une part, et entre la société et les individus d'autre part, avançant qu'un "tout n'est pas identique à la somme de ses parties". L'association donne naissance à quelque chose de nouveau qui constitue l'objet d'étude de la sociologie, contrairement à la psychologie centrée sur l'être individuel. La pression qu'il considère comme étant le signe distinctif des faits sociaux, domine l'individu tout en lui étant extérieure. Ainsi, la société est un système formé par l'association d'individus qui possède ses caractères propres. "Le groupe pense, sent, agit tout autrement que ne le feraient ses membres, s'ils étaient isolés". Ainsi les phénomènes de groupe ne peuvent-ils s'expliquer simplement par le psychisme individuel de chacun des membres du groupe. Les caractères généraux de la nature humaine n'expliquent pas les phénomènes sociaux mais les rendent possibles. C'est pourquoi Durkheim considère toutefois qu'une connaissance de la psychologie peut constituer une bonne base pour aller vers la sociologie. Durkheim illustre son propos à la confusion de certains sociologues qui ont considéré que la religion, le mariage ou la famille s'expliquent par des sentiments de religiosité naturelle, de jalousie sexuelle ou de pitié filiale inhérentes à la nature humaine (à son psychisme) alors qu'en fonction des conditions sociales ou d'une société à l'autre, elles varient considérablement dans leur forme, voire n'existent pas. "C'est donc que ses sentiments résultent de l'organisation collective, loin d'en être la base".